En ces temps de post-histoire et de fin de tout, il est bon de se ressourcer à un marronnier : la mort du rock, dont on isole, hop !, un petit rameau tremblotant sous le vent d’apocalypse : « il faut sauver le rock anglais ! ». Ce brave petit soldat est vaillamment sauvé chaque année que Dieu fait depuis notre auguste naissance (et bien avant, imagine-t-on) par des âmes charitables. Cette année, c’est Miles Kane qui s’y colle. Qui ? Euh, le monsieur des Rascals, ce groupe punchy inodore dont on a tout oublié. Pas d’idée ? Voyons !, la moitié la moins connue des Last Shadow Puppets, ces rêves de cinémascope projetés sur écran d’iPod, façon Morricone analogo-numérique plan-plan (j’en bâille).
Bon, jugeons sur pièces pour une fois : dans une interview, le sieur Kane vantant les mérites de Beady Eye (pardon ?) déclare que c’est ce que le monde attend : « retrouver un peu ses couilles ». Comment dire mieux les choses ? Kane ou le lad ultime, prompt à en découdre mais qui soigne ses compos, ses arrangements, sa production etc… Sujet de dissertation soufflé par mon ami Marc Esposito (je plaisante) : la mélodie comme dernière « pudeur des hommes ». Cette mythologie « Le Nord, c’est le Nord » nous brise un peu, avouons-le, ce que cherche l’ami Miles, certainement dans la sciure, entre deux vomissures. « Colour of the Trap » a déjà été écrit et entendu 2856 fois, mais à ce compte-là pourquoi pas une de plus ? On y trouve en vrac the Verve, Kasabian, Oasis (le tôlier en chef Noël fait deux papouilles sur « My Fantasy »), Lee & Nancy (« Happenstance » avec Clemence Poesy, une actrice française qui sussure joliment), les Beatles, les Who, les Arctic Monkeys, et j’en passe. Miles Kane a un timbre puissant et nasal qui rappelle Marc Bolan, ça manquait aussi… Les fautes de goût habituelles sont là : l’intro « Belle & le Clochard » de « Take the Night From Me » à la mandoline, « Inhaler » qui dépayse les Kings of Leon à Wembley, le psyché-machin « Kingcrawler » tout courginet. On lèvera quand même le pouce dans notre toge ensanglantée pour deux raisons : « Rearrange », le morceau qu’on aimerait trouver sur « Suck It And See », le nouveau Turner & Cie, qui s’annonce atroce, et « Better Left Invisible », bien véloce malgré ses guitares velues. En attendant, le rock anglais sauvé se blottit sur la poitrine palpitante de Miles Kane, et nous nous éloignons sur la pointe des pieds pour ne pas déranger.