« We say hi ! / To the rivers and the mountains », humaient à tue-tête Sean O’Hagan et son chœur céleste il y a trois ans, à la fin de « Can Cladders », album indépassable d’harmonie et de perfection. Si ce disque était à la montagne ce que « Beet, Maize & Corn » était à la bourgade de province, « Talahomi Way », fidèle prolongement de ses deux prédécesseurs, pourrait être un disque de plage, dans la droite lignée de « Hawaii ». Aucune odeur de réchauffé, pourtant : les High Llamas ont beau ne pas être un groupe révolutionnaire (Sean sait que la révolution a eu lieu sans lui, en 1966), le travail accompli entre chaque album, notamment sur les arrangements, est stupéfiant de finesse. A défaut donc d’enfin trouver le chemin de San José, ce nouveau patchwork pop nous emmène cette fois sur les traces de Berry Adams qui, après avoir renoué ses lacets, embarque pour un long voyage en bus le long de l’inusable Memory Lane, baptisée pour l’occasion Talahomi Way. Si les plages anglaises ne sont généralement pas celles qui viennent à l’esprit lorsqu’on pense aux endroits dits « exotiques », ce sont pourtant bien elles que transfigure ici l’imaginaire de Berry/Sean O’Hagan, en les isolant de l’espace et du temps. Clairsemées de quelques notes d’harmonica, les cordes laissant de plus en plus place aux vents et aux cuivres, ces neuf chansons (entrecoupées de trois intermèdes instrumentaux) diluent une douce mélancolie autoréflexive dans l’océan azur que longe d’un bout à l’autre cette déjà mythique route de Talahomi. Sur « Woven and Rolled », Berry Adams voit de la fenêtre du bus défiler l’infanterie, après un mystérieux combat qui « prit fin en octobre ». Plus loin, sur la chanson titre, après avoir longuement voyagé un jour et une nuit, il fera escale dans un port de province, rempli de bateaux sur le départ. « It’s a house, it’s not a resort », chante-t-il sur « Take My Hand ». Loin du tourisme et des complexes hôteliers, Berry se complait à simplement rouler ses mains dans le sable en regardant défiler le passé. Après les rivières et les montagnes, O’Hagan continue de saluer et chanter les paysages pop en y ajoutant cette fois quelques touches de technicolor. L’ombre du cinéma, avec son effervescence et ses décors illusoires, clôt d’ailleurs le disque : « Calling Up, Ringing Down » décrit le vide soudain qui fait suite au départ d’une équipe de tournage. Les murs ont cessé de bouger, la vie peut à présent recommencer. Berry Adams a pris le bus du retour, et Sean O’Hagan nous fixe à nouveau rendez-vous, sans doute dans trois ans.
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