Plantons le décor : un certain Dan Smith, alias Listener, MC échappé de Deepspace5 et de la galaxie du rap chrétien, revient toutes tripes dehors, accompagné de deux comparses, Kristen Smith à la basse, et Chris Nelson à la batterie et à la guitare. Sept ans après un détour pas franchement remarqué par chez Mush Records, l’ex-rappeur, qui arbore une élégante moustache, se lance le long de tout un disque dans un exercice éprouvant de spoken word, où il déclame sa philosophie personnelle, où il la braille d’une voix écorchée et d’un ton alarmé, à gorge déployée, limite éploré, sur un fond sonore aux consonances rock orageuses étiré sur des titres à rallonge façon « You Have Never Lived Because You Have Never Died » ou « Save Up Your Hopes Friends », qui tirent de toutes leurs forces sur la corde sensible et qui sonnent comme autant de sermons ronflants.
OK, vous êtes toujours là, vous n’avez pas fui ?
Tant mieux, car malgré ces abords ingrats, »Wooden Heart » est l’un de ces disques précieux que l’on se surprend à aimer, au bout du compte, dans un mélange d’embarras et de jouissance. Cela, notamment, grâce à l’instrumentation riche du disque, grâce à cette guitare libre, qui souffle le chaud et le froid, qui passe du lent au frénétique, du calme au furieux, du triste au trépidant, de l’acoustique à l’électrique, et qui se mâtine d’ukulélé (« You Have Never Lived Because You Have Never Died »), de banjo (« Save Up Your Hopes Friends »), de violoncelle (« Most Roads Lead To Home », « Seatbelt Hands »), de nappes synthétiques (« Falling In Love With Glaciers »), de trompettes (« Building Better Bridges », « You Were a House on Fire », « Falling In Love With Glaciers » encore), qui se montre au service des paroles tout comme des beats hip-hop parfaits savent se soumettre à leur MC, et qui évite de s’empêtrer dans le galimatias jazz rock infâme qui menaçait.
Listener avait déjà proposé plusieurs des titres ici présents sur un autre album, »Not Waving Drowning ». Cependant, sur »Wooden Heart », il les sublime, il les transporte dans une nouvelle dimension. A dire vrai, pourtant, on sort un brin KO de ce disque de post-rock, de post-hip-hop, de post-slam, de post je-ne-sais-quoi encore (appelez-ça comme vous le pouvez, pour Listener lui-même, il s’agit de « talk music »). KO mais repus, sinon par les leçons de vie récitées dans l’urgence par l’ami Dan Smith, a minima par l’expérience purement musicale qui se détache de ce disque à fleur de peau, mais chiadé.