Voilà d’ores et déjà le plus bel objet-disque de l’année 2011 : Un « picture vinyl » pressé à 250 exemplaires, labélisé Service Records (la maison de Jens lekman, The Embassy ou encore The Tough Alliance) et à l’isotopie automnale parfaite. On ne saura sans doute jamais rien de cet obscur trio suédois (cherchez les sur Google, pour voir : la seule photo du groupe montre une fille gothique et deux bedons ébouriffés aux regards hallucinés). Qu’importe : loin d’être une énième formation misant tout sur le mystère, le groupe parvient à jouer la sincérité totale en ne concentrant son image que sur le disque lui-même. Car Forest, c’est ça : le chant des arbres qui résonne au milieu d’une clairière inondée de lumière sépulcrale, et qui puiseraient leur sève chez Robert Wyatt, Elizabeth Fraser et The Radio Dept. Deux voix s’entremêlant comme du chèvrefeuille, s’élevant par-delà les cimes, chantant faux parfois, sous le poids du froid et de l’altitude, sur des accords binaires sortant de vieux synthés analogiques. Par moment, on croit entendre la voix fantomatique de Brian Eno, à d’autres celle de Wim Mertens. Les huit nocturnes suédois se suivent, envoûtants, planants. De temps en temps, la vapeur folk d’un harmonica soulève quelques goutes de rosée, confondant l’aube et le crépuscule en une lumière aveuglante. On imagine aisément les deux bikers du groupe s’époumoner en valsant tels des bourdons autour d’un feu de camp. « I Like Your Dreaming », « Vivienne », « We Can Go Away », « In the Forest »… Les titres s’enchainent tels des haïkus, sortant littéralement de cette branche de feuilles séchées qui danse elle aussi sur la platine. Bien sûr, cette pop ambient en fera bailler d’ennui plus d’un. Pour ceux qui sauront la saisir au vol, la magie est là, pourtant, ancestrale, dans le bruissement spectral des forêts.
Le webzine de la pop