SOIRÉE TALITRES – That Summer, Stranded Horse, I Like Trains
L’éminent label Talitres investissait une fois de plus le Rocher de Palmer, salle de l’agglomération bordelaise, pour une soirée qui devait permettre au public de venir à la rencontre de certains artistes que défend Sean Bouchard. Le plateau était composé de That Summer, auteur l’année passée de « Near Miss« , Stranded Horse qui a livré avec « Humbling Tides » un album superbe et les Anglais de I Like Trains, dont le dernier disque « He Who Saw the Deep » commence à enthousiasmer franchement l’auteur de ces lignes.
Et c’est dans l’ordre ci-dessus que se sont produits les groupes. Ce sont donc les cinq membres de That Summer qui sont en train de jouer lorsque je pénètre dans la salle, plutôt bien remplie (bonne surprise)… et avec des sièges, d’un inconfort absolu. Il est en revanche bien plus agréable de se laisser porter par la musique des Français, à l’aise pour faire la bascule en permanence entre une pop-rock jamais molle et des effluves post-rock franchement bien maîtrisées. Les excellents batteur et guitariste sortent clairement du lot, insufflant énergie et noirceur aux titres, qui souffrent peut-être du brin de voix un peu timide de David Samson, mais je me suis surpris plusieurs fois à taper du pied sur certaines accélérations. Une bonne entrée en matière, pour un groupe qui est bien rodé sur scène.
Et peu de temps après, je suis en place pour assister à l’arrivée sur scène de Yann Tambour, qui évolue désormais sous le nom de Stranded Horse, dont le dernier album a fait couler beaucoup d’encre, et ce à raison. Il est seul, ne bénéficiant pas du soutien de Carla Palone au violon, mais cela n’a pas jeté une seule ombre sur la prestation du personnage. Je dis personnage parce qu’il m’a fait forte impression, tant par l’unité qu’il affiche avec sa kora (lui et son instrument ne font qu’un, il joue les yeux fermés) que par son côté décalé entre les morceaux, comme s’il sortait du lit 5 minutes avant, en train de débiter des blagues en s’accordant. Mais sinon, quelle fluidité ! On n’a pas entendu un bruit dans la salle durant les 50 minutes de sa prestation.Tout était tellement fluide, tout semblait limpide, et pourtant, ce fleuve n’était calme qu’en apparence : seulement, les tourments des chansons sont si gracieusement amenés, les éclaircissements si finement distillés et la voix si subtilement camouflée que Stranded Horse a fait de ce concert un vrai moment de poésie, sans jamais lasser ni cesser de surprendre. Gracieux et émouvant.
C’est donc au quatuor I Like Trains que revient la tâche de clore cette soirée partie sur de très bonnes bases. Et ils s’en sont, il faut bien le reconnaître, admirablement tirés, se mettant au niveau des groupes précédents, dans le style qui est le leur désormais, celui d’un rock lettré aux contours lyriques, sur des bases post-rock qui s’entendent dans les plages instrumentales qui aèrent les morceaux. Car ce qui ressort de la musique de I Like Trains, c’est que le groupe de Leeds ne tombe jamais dans des effets de manche, et garde une réelle efficacité : quand il le faut, c’est Dave Martin et sa voix profonde qui émeut, avant de s’éclipser le temps d’une attaque virulente de guitare, ou alors c’est un break à la batterie (« Progress Is a Snake » sur « He Who Saw the Deep ») qui fait réagir l’auditeur. Après 10 heures de trajet dans la journée, les Anglais ont réussi à tout donner, sans baisser de ton et ont prouvé que les nouveaux titres (tels « A Father’s Son » ou « Sirens ») se mariaient à merveille avec les titres de « Elegies to Lessons Learnt ». L’heure du rappel sonne et le public quitte ses sièges, le temps d’un « Spencer Perceval » joué amplis dans le rouge, tempête sonique qui balayait tout sur son passage, et faisait chavirer pour de bon la salle. Et apporter un point final superbe à cette soirée de belle musique, où élégance, rigueur et talent se sont mêlés pour le plaisir de tous.
Mickaël Choisi
Photos par Seb So-What
Merci à Talitres et Aurélie du Rocher de Palmer