JOSH RITTER – So Runs The World Away
(Pytheas Recordings / Red Eye) [site] – acheter ce disque
A écouter « Curtains », la (très) courte pièce musicale qui ouvre « So Runs the World Away », on peut se demander si le disque qui se trouve sur la platine est bien le nouvel album de Josh Ritter. Les feedbacks de guitares électriques vaporeux et planants de cette courte introduction évoquent en effet plus les sonorités de la « Constellation » indépendante montréalaise que le folk classique habituel de l’Américain.
En fait, dès le deuxième morceau, les choses rentrent dans l’ordre. « So Runs the World Away » est bien le disque de songwriting classique mais élégant auquel on s’attendait.
A ceci près que le morceau introductif évoqué plus haut donne un avant goût de ce qui fait la force de ce sixième disque de Josh Ritter : une production particulièrement léchée, travaillée, qui met merveilleusement en valeur les belles compositions du chanteur. C’est certain, Ritter n’est pas là pour révolutionner la musique – timbre de voix immédiatement (étrangement) familier (même pour les novices), folk songs qui pourraient tout autant avoir été écrites dans les années 60 – mais là n’est sans doute pas son ambition. En humble artisan inspiré, ce natif de l’Idaho perpétue une tradition de songwriting qui, de B. Dylan à S. Stevens, n’en finit pas de nous dessiner les visions d’une Amérique fantasmée. Et, tant qu’à s’inscrire dans une tradition, autant s’inspirer des meilleurs Au petit jeu des références, « So Runs the World Away » est d’ailleurs assez bluffant. Le digne lyrisme d’un Springsteen (« Lantern », « Orbital »), la finesse mélodique d’un Paul Simon (« Lark », « Long Shadows »), le blues poisseux d’un Tom Waits ou d’un Nick Cave (« Rattling Locks », « The Remnant »), on trouve un peu de tout ça dans l’album, mais pas seulement… Ritter imprime sa marque en faisant décoller la musique américaine, traditionnellement terrestre, au septième ciel grâce à des petits détails d’arrangements qui font la différence : splendides parties de choeurs sur la country crépusculaire de « Folk Bloodbath », superbe final orchestral sur l’initialement très folk « Change of Time ».
Et puis, enfin, quelle voix ! C’est dans le dénuement instrumental que l’évidente pureté du timbre vocal de Ritter s’impose à nous : « The Curse », élégante ballade autour d’un piano, « Another New World » et sa mélodie aux faux airs du « Bang Bang » popularisé par Nancy Sinatra et surtout, le sublime « See How Man Was Made » où là, c’est carrément du côté des hautes sphères stratosphériques de Jeff Buckley ou d’Andrew Bird que l’ami Josh nous embarque.
En un mot : la classe américaine.
Matthieu Chauveau
Curtains
Change of Time
The Curse
Southern Pacifica
Rattling Locks
Folk Bloodbath
Lark
Lantern
The Remnant
See How Man Was Made
Another New World
Orbital
Long Shadows