STEREOLAB – Not Music
(Duophonic / Drag City) [site] – acheter ce disque
Stereolab est un groupe important. Que ceux qui sont déjà au fait passent le mot aux autres, histoire qu’ils se penchent enfin sur le cas de ce groupe franco-anglais si injustement ignoré de ce côté-ci de la Manche. Pour s’en rendre compte, il suffit de jeter un coup d’oeil dans le rétroviseur et de mesurer l’impressionnant chemin parcouru. Des débuts expérimentaux et bruitistes (« Peng! », « Switched On ») à la pop rétro-futuriste des années 2000, le groupe à géométrie variable n’a cessé de muer et de redéfinir ses limites en mettant au centre ses connaissances encyclopédiques de la musique moderne, du rock teuton planant 70’s au courant les plus obscurs de l’easy-listening en passant par la pop mélodique des sixties ou le minimalisme répétitif de l’école Steve Reich. Il faut réécouter, de préférence le casque vissé sur les oreilles et le cerveau en villégiature dans le cyberespace, les petites merveilles de kraut-pop aux structures ultrasophistiquées et aux arrangements stupéfiants de complexité que sont « Interlock », « Excursions Into Oh, A-Oh » sur « Fab Four Suture », « Need To Be » et « Vonal Declosion » sur « Margerine Eclipse » ou les désormais cultes « Metronomic Underground » et « Emperor Tomato Ketchup » sur l’album du même nom.
Alors pourquoi donc des magazines ayant pignon sur rue comme, au hasard, les Inrockuptibles (qui après des années de chroniques confondantes de bêtise et de mauvaise foi sur le « groop » s’est mis dernièrement à lui tresser des lauriers en qualifiant Tim Gane, le cerveau de la bande, de génie) ont toujours préféré afficher en couverture de leurs revues prescriptives de bon goût des groupes indie rock aussi conformistes qu’éphémères en lieu et place de cette formation adulée par l’underground du monde entier qui aurait pu, si elle avait reçu le soutien nécessaire, toucher un public plus large et obtenir un succès amplement mérité. Car là est finalement le plus triste dans cette histoire de rendez-vous manqué : Stereolab n’aura connu durant toute sa carrière qu’un succès d’estime alors que son destin aurait pu être similaire à celui d’un groupe comme Depeche Mode. Emploi du passé ici de rigueur car après presque vingt années d’intense activité, Tim Gane et Laetitia Sadier ont décidé de mettre la machine en sommeil pour une durée indéterminée. Le soudain -et cruel- regain d’intérêt de la presse à la sortie de leur récent « Chemical Chords » et du petit dernier « Not Music » aura au moins le mérite de faire découvrir à cette nouvelle génération qui papillonne actuellement sur les blogs et ce qu’il reste de Myspace ce groupe bouillonnant et transformiste, visiblement pas assez poseur pour être célébré par l’époque actuelle.
Alors, que dire de ce « Not Music » si ce n’est qu’il s’agit peut être du dernier album du groupe et qu’il n’est, en plus, qu’un assemblage de remix d’anciens morceaux et de chutes du précédent lp « Chemical Chords » ? Eh bien d’abord que c’est du Stereolab pur jus, remplis à ras bord de boucles obsédantes et hypnotiques, de claviers vintage, de mélodies pimpantes, de ruptures de rythme, de progressions d’accord inouïes et de textes naïfs psalmodiés par une Laetitia Sadier au timbre de voix toujours aussi charmant ou agaçant, c’est selon. La formule est rodée, lissée à l’extrême, mais arrive encore à produire de petits miracles sonores comme sur l’inaugural « Everybody’s Weird Except Me » ou l’efficace « Sun Demon » qui démontre en quelques minutes l’étendue du savoir faire stereolabien. Rien de bien nouveau sous le soleil donc : ceux qui adoraient adoreront, ceux qui détestaient détesteront. Les fans de la première heure qui avaient fini par décrocher et déserter peu à peu les salles de concert acquiesceront et verront dans l’annonce de séparation du groupe l’occasion de se replonger avec un plaisir certainement renouvelé dans leur discographie pléthorique et labyrinthique. Les autres, qui viennent tout juste de faire connaissance, auront l’enivrante impression d’avoir entrouvert la boîte de Pandore, le meilleur restant pour eux forcément à venir. Tous s’accorderont finalement sur une chose : Stereolab est un groupe important.
Rémi Mistry
A lire également, sur Stereolab :
la chronique de « Chemical Chords » (2008)
la chronique de « Fab Four Suture » (2006)
la chronique de « Sound-Dust » (2001)
Everybody’s Weird Except Me
Supah Jaianto
So is Cardboard Clouds
Equivalences
Leleklato Sugar
Silver Sands (Emperor Machine Mix)
Two Finger Symphony
Delugeoisie
Laserblast
Sun Demon
Aelita
Pop Molecules (Molecular Pop 2)
Neon Beanbag (Atlas Sound Mix)