ANTONY AND THE JOHNSONS – Swanlights
(Rough Trade / Beggars) [site] – acheter ce disque
Il y a un malentendu avec l’oeuvre du curieux Antony Hegarty. « I am a Bird Now« , l’album qui l’a fait connaître à un public relativement important en 2005 est souvent considéré comme son unique chef-d’oeuvre. Comme si tous les albums à suivre étaient condamnés à souffrir de la comparaison avec ce mètre-étalon. C’est vrai, « I Am a Bird Now » était un très bon album. Mais, tout autant que le disque en lui-même, c’est la découverte d’un artiste inclassable au timbre de voix et à l’univers pour le moins surprenants qui marqua les esprits. En fait, « The Crying Light« , l’album suivant, malgré son atmosphère plus austère, était à peu près du même niveau que « I Am a Bird Now », c’est à dire très élevé !
Envisageons donc le nouveau disque d’Antony sans faire référence à son soi-disant chef-d’oeuvre insurpassable, d’autant que c’est la démarche que la pochette de « Swanlights » semble nous inciter à suivre. En effet, ici, plus de photo en noir et blanc à l’esthétique mystérieuse et sombre comme dans les deux albums précédents mais une pochette en couleurs où le blanc domine et illustrée par un dessin animalier qui paraît, à première vue, destiné aux enfants.
A première vue, évidemment… Un regard plus précis et la pochette qui semblait moins sombre que de coutume s’avère représenter un animal en pleine agonie, dans un bain de sang ! Et effectivement, l’écoute de l’album confirme que le dernier album d’Antony n’est pas plus joyeux que les précédents. En fait, si on exclut le « positif » (en apparence ?) « Thank You For Your Love » – le morceau le plus accessible de l’album, un mélange de pop et de soul comme le chanteur sait si bien le faire – « Swanlights » est d’une désespérance qui semble décidément sans issue. Cependant, si cafardeux que soit ce disque, il n’en est pas moins magnifique à bien des égards : un diamant noir.
En écoutant « Swanlights », on se sent comme transporté dans une galaxie où la médiocrité semble ne pas exister : mélodies inspirées, voix habitées, arrangements complexes, prise de son excellente… Antony fait partie de ces rares artistes à être totalement inclassables. Impossible de cantonner son oeuvre à la pop music. Comme chez Robert Wyatt, John Cale, Scott Walker ou Björk, on sent une ambition musicale et une esthétique qui tutoient la musique dite « savante » (sur le très vaporeux titre « Swanlights », notamment) et plus précisément, dans le cas d’Antony, la musique impressionniste du début du siècle dernier (superbes « Ghost », « Violetta », « Salt Siver Organ » et « Cristina’s Farm »). Pas un hasard si l’Islandaise citée précédemment est présente sur ce disque pour un splendide duo, « Flétta », morceau qui, autour d’un simple piano, fait la part belle aux voix si particulières de deux artistes décidément hors norme. Bref, album inclassable, profond, à la fois sombre et lumineux, « Swanlights » n’a pas à rougir de la comparaison avec « I Am A Bird Now ».
Matthieu Chauveau
A lire également, sur Antony and the Johnsons :
la chronique de « The Crying Light » (2009)
la chronique de « I am a Bird Now » (2005)
Everything Is New
The Great White Ocean
Ghost
Im in Love
Violetta
Swanlights
The Spirit Was Gone
Thank You For Your Love
Flétta
Salt Silver Oxygen
Christinas Farm