MULATU ASTATKE – Stockholm, Göta Källare, Le 4 Novembre 2010
»Quel drôle de chemin il m’aura fallu pour arriver jusqu’à toi »
Bresson, »Pickpocket ».
Je ne connais pas Mulatu Astatke par les compilations »Ethiopiques », honte à moi. Ni par la B.O. de »Broken Flowers » de Jim Jarmusch, film pendant lequel je me suis beaucoup ennuyé et que j’ai vite oublié. Non, avant tout, si je connais la musique de Mulatu, c’est par une reprise de son tube des 70ies, »Yegelle Tezeta », par le groupe de pop-garage américano-cambodgien, Dengue Fever, que je vous recommande vivement (leur musique serait idéalement la meilleure bande son d’un restau chinois à la sauce saté-popmoderne).
Sortant du concert des Magic Numbers, le DJ-promoteur passe donc ce tube en version originale. On s’arrête, perplexes, on papote un peu. Ah, mais il faut venir : »It’s gonna blow your mind !! ».
J’y vais donc me faire exploser le cerveau à l’heure dite, seul, ma compagne ayant envie, ce soir-là, de garder toutes ses capacités corticales.
Le vieux monsieur, créateur de l’ethio-jazz, subtil mélange de mélodies afro, de rythmes caribéens sur une instrumentation jazz, tourne un peu partout dans le monde et vient non seulement présenter son récent album, enregistré avec The Heliocentrics, sur scène mais aussi revisiter l’ensemble de son répertoire. Je poireaute aux côtés d’un jeune Ethiopien qui ressemble furieusement à Cush, l’ami de Corto Maltese (voir »Les Ethiopiques », les autres). Pas de kat à mâcher toutefois, ni de thé à prendre. J’espère juste qu’il n’est pas aussi dangereux que Cush et j’évite de trop lui tourner le dos.
Mulatu arrive sur scène entouré de The Heliocentrics, groupe anglais chamarré : percussionniste blanc à chemise ethnique et guitariste noir à lunettes, casquette molle et manteau de cuir mi-long noir tout droit sorti de »Shaft ».
Mulatu, vieux bonhomme de 67 ans, occupe le centre de la scène entre ses congas, son vibraphone et son Wurlitzer. Il présente les compositions, les siennes mais aussi les relectures de confrères, remercie chaleureusement ses musiciens et le public, jongle entre ses instruments mais ne semble pas leader, le rôle étant laissé au percussionniste qui lance les différentes parties et clôt les morceaux. Personne ne tire la couverture à soi, chacun a son moment de gloire (c’est plutôt du jazz, hein, quand même) mais l’attention est vraiment portée aux compositions. Comme prévu, l’ensemble du catalogue de Mulatu est revisité entre jazz rock céleste à la Sun Ra, quelques envolées rythm n’ blues, un groove dément (bassiste et batteur entre rock et funk puissant), deux ou trois incursions free (notamment avec le clavier qui prend des accents bruitistes saturés, carrément noisy), voire musique contemporaine/post rock (un solo de vibraphone par Mulatu à faire pâlir de jalousie John McEntire).
Pépère s’absente le temps d’un titre pour se reposer en plein milieu mais revient vite. Le concert est long (ils joueront pendant une bonne heure et demie) et Mulatu ne s’économise pas. Je m’en prends plein les oreilles étant juste devant les deux cuivres (trompette et clarinette basse/saxophone) mais je ne me plains pas, enchanté des titres que j’entends et dansant comme tout le monde dans la salle : impossible de rester sans bouger. Difficile de dessiner dans ces conditions mais bon.. que c’est bien !
J’espère juste que Mulatu Astatke ne s’arrêtera pas de tourner de sitôt et que vous pourrez, vous aussi, profiter de ce décidément grand homme.
Guillaume Delcourt
A lire également, sur Mulatu Astatke :
la chronique de « Mulatu Steps Ahead » (2010)
Set list :
Emnete
Gubzele
Dewel
Yekermo Sew
Mulatu
Cha Cha
Esketa Dance
Netsanet
Kaesalefkut Hulu
Chik Chikka
Yegelle Tezeta
Rappel :
Yekatit