NISENNENMONDAI, SPECTRUM, ROLL THE DICE – Stockholm, Salle Strand, Le 22 Octobre 2010
Strand fait fort : après avoir programmé l’énooooorme batteur free-expérimentalo-indie Chris Corsano (cf "School Of The Flowers" de Six Organs Of Admittance) lors de leur première édition de Superkvällen (i.e. "Supersoirée" mais, entre nous soit dit, je ne peux pas m’empêcher de penser à Jean-Pierre Foucault), cette très belle salle a réuni sur la même affiche les Japonaises hypissimes de Nisennenmondai, les vétérans cultes Spectrum et les locaux Roll The Dice.
Ces derniers, producteurs bien connus de la scène indie suédoise (ils ont produit / tournent avec Fever Ray) ne nous laissent pas un merveilleux souvenir. Leurs rythmiques et mélodies électroniques sont intéressantes et efficaces, promptes à réveiller les maigres spectateurs avachis dans les canapés mais, malgré la sueur qui ravage peu à peu leurs mèches structurées, on peine à rentrer dans un concert où s’agitent deux types derrière une foule de machines, claviers et autres mixettes.
Les trois Japonaises de Nisennenmondai, elles, n’auront pas besoin de plus de quelques minutes pour mettre le public en transe. Pour ceux qui auraient raté le buzz (voire leur concert à Villette Sonique), Nisennenmondai signifie en japonais "bug de l’an 2000". C’est un charmant trio guitare, basse, batterie créant des motifs répétitifs (on dit "motorik") avec des empilements de riffs aigus à la pédale sampler, une basse minimale aux sons ronds et une batterie survoltée à cent à l’heure. Une version actualisée et japonaise du krautrock donc. J’avais un peu peur de voir une réalisation live à l’identique de leur album "Destination Tokyo" mais leur réputation de bêtes de scène n’est pas usurpée. Pour une fois, croyez la hype ! Avec leur look de jeunes vierges effarouchées, en mini top/bottes et complet robe brodée blanche/ballerines noires, les trois timides mettent à feu et à sang le dance floor : la batteuse cogne comme une sourde des rythmes complexes et efficaces, y compris avec ses couettes, la guitariste empile, empile et empile encore et la bassiste "funkise" le tout. Difficile pour les spectateurs de garder le rythme ! La bonne surprise, contrairement à l’album qui est assez froid et "blanc" (cf "Metal Machine Music" de ce bon vieux Lou Reed), les Nisennenmondai en live tirent leurs compositions vers le psychédélisme, n’hésitant pas à laisser du champ aux riffs voire à laisser s’envoler quelques soli Borisesques. Un bon compromis entre Boris justement et The Boredoms.
Spectrum aura du mal à faire mieux que les Japonaises. Là encore, le public est déjà acquis et Pete Kember livre consciencieusement ses meilleurs titres et autres vieilleries tirées du répertoire de Spacemen 3. Ayant promu Spectrum à Rouen et les ayant revus au Point Éphémère dans la foulée, j’ai le regret de constater que la set-list n’a absolument pas changé en un an. Dommage également que les meilleurs titres soient des reprises à l’image du récent EP et du tube emprunté à The Red Krayola, "War Sucks". Pire, nous verrons les mêmes gimmicks, sorties scéniques voire… problèmes techniques ! C’en est un peu pathétique même si le set est plus que correct et le son pas trop mauvais. Des jeunes bourrés enthousiastes armés de flasques illégales réclament plus de bruit à Kember : ce dernier s’excuse et répond qu’il n’a malheureusement pas le contrôle sur le volume sonore… Il nous martyrisera quand même les tympans en hurlant à pleins poumons que »la guerre… craint » ? A la fin, tous sortent de scène les uns après les autres laissant leurs instruments faire le boulot tout seuls quelques minutes (moins que Wilco sur "Less than You Think" sur l’album "A Ghost Is Born") puis reviennent sur scène éteindre leur barda et taxer au passage un pétard aux jeunes du premier rang.
Allez, courage Pete, oublie les MGMT, les drogues qui endorment et remets-toi au boulot !
Guillaume Delcourt