AGNES OBEL – Philarmonic
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Précédé d’une réputation flatteuse, ce premier album d’Agnes Obel nous regarde avant même qu’on ne l’écoute. Au recto, le beau visage un peu sévère de l’artiste, blonde aux yeux bleus, semblant tout droit sortie d’un Hitchcock ou d’un Bergman (on n’aime pas trop recopier les communiqués de presse, mais là, ce genre de références s’impose), ou peut-être d’une pochette de Deutsche Grammophon ; au verso – du CD promotionnel –, un hibou aux pupilles orange tout aussi hypnotiques. Hibou, donc petites musiques de nuit ? "Philharmonics" semble en tout cas destiné à une écoute solitaire, recueillie, et n’est guère plus indiqué que le dernier Sun Kil Moon pour animer votre prochaine soirée zouk.
D’autant que dans la catégorie "chanteuses à clavier", la Danoise (installée à Berlin) se montre moins exubérante que Regina Spektor, Frida Hyvonen ou la formidable nouvelle venue Alina Orlova. Et moins torturée que Soap & Skin. On penserait plus à El Perro del Mar (notamment sur le morceau de clôture, "On Powdered Ground"), avec qui Agnes Obel partage une esthétique qu’on qualifiera, pour aller vite, de nordique. J’en vois déjà qui frissonnent ; qu’ils se rassurent, le disque tient plus du boudoir ou du salon de musique, meublé simplement et avec goût, que de la chambre froide.
Voix et piano sont donc les éléments les plus saillants de "Philharmonics", mais pas les seuls : on y entend d’autres instruments, essentiellement classiques, et le disque bénéficie d’un travail de production (notamment sur l’écho et les chœurs) discret mais essentiel. On note aussi que trois morceaux sont des instrumentaux, et qu’ils n’ont rien de simples interludes décoratifs. Agnes Obel dit d’ailleurs qu’elle ne se considère pas comme "une chanteuse qui s’accompagne au piano", que chanter n’était pas ce qui la motivait au départ. Les textes, écrits dans un anglais générique, ne sont pas ce qui importe tellement ici. Même s’il s’inscrit dans des formats pop, folk et chanson, son style doit autant, voire plus, à des compositeurs français fin XIXe-début XXe comme Debussy, Ravel ou Satie, ou a un néoclassique minimaliste comme Wim Mertens, qu’aux singers-songwriters féminines des années 70 à la Joni Mitchell. Elle reprend d’ailleurs John Cale ("Close Watch", pas vraiment ce qu’il a fait de plus fun), comme un hommage à un artiste qui a toujours jeté des ponts entre le monde du rock et celui des musiques "sérieuses".
Avec ses chansons aux lignes pures et à l’émotion palpable mais toujours contenue – que d’aucuns jugeront sans doute un peu trop sages –, on peut prédire sans prendre beaucoup de risques à la nouvelle venue les playlists de FIP (outre-Rhin, l’un de ses morceaux a été utilisé dans une pub télé pour Deutsche Telekom) et un joli petit succès à la Alela Diane ou Sophie Hunger. Ce ne serait franchement pas volé.
Vincent Arquillière
Falling, Catching
Riverside
Brother Sparrow
Just So
Beast
Louretta
Avenue
Philharmonics
Close Watch
Wallflower
Over the Hill
On Powdered Ground