PHILIP SELWAY – Familial
(Bella Union / Cooperative Music) [site] – acheter ce disque
Je ne suis pas très friand des albums solos, le terme en lui même m’agace un peu. C’est avant tout l’évocation cauchemardesque de l’artiste-interprète, collé à l’argument commercial du « par le membre du groupe qui vous apporté… » qui me donne des palpitations, ajouté au fait que ça se vend en général beaucoup trop bien. Après la revisite intimiste de l’electro avec un minimalisme du diable (« The Eraser » de Thom Yorke en 2006) et la bande son magistrale du meilleur film de 2008 (Jonny Greenwood pour « There Will Be Blood »), on ne s’attendait à pas grand chose venant du membre le plus discret du groupe, et surtout pas à un aparté musical de cette trempe là. S’éloignant des bizarreries electro-rock de ces confrères d’Oxford, notre Kojak international nous honore au contraire d’un album pop solide, éloigné des standards actuels, en compagnie de Pat Sansone et Glenn Kotche (Wilco), de Sebastian Steinberg et de la chanteuse Lisa Germano. A la première écoute, on réalise le talent musical de Selway, et sa gigantesque contribution au groupe qui l’a fait connaître.
On ouvre la marche par un single simple et court (« By Some Miracle »). Voix feutrée (Selway chante superbement), peu d’instruments et d’effets en simultané, le ton est donné pour le reste de l’album qui respire l’humilité, mais qui touche par une interprétation incroyablement intimiste. « A Simple Life », sorte de confessions sur le quotidien ordinaire, sait notamment nous dispenser d’envolées lyriques pour une atmosphère chaleureuse et nous fait pénétrer doucement dans la mélodie qui s’arrange tranquillement pour se défaire simplement. L’influence de Radiohead reste tout de même présente (« By Some Reason » et ses montées dans les aigüs à la Thom Yorke, « The Ties That Bind Us », sorte de « Follow Me Around » avec les violons d' »In Rainbows » ou encore « Don’t Look Down », écho rythmique au lointain « Lucky »), mais en tant que composante annexe, Selway n’en étant pas complètement tributaire. Celui-ci puise d’avantage dans une folk très Neil Young (« Falling ») ou du côté de REM (« All Eyes On You » et son interprétation aux accents très Stipe). Atmosphères variées, sans accroc, le ton faussement simpliste de la découverte séduit, enchante même, alors que l’album en est déjà à sa cinquième écoute.
Le cas de « Familial » est un peu particulier car s’il tranche résolument avec la pop « jetable » à laquelle nous sommes désormais tous habitués, sa profondeur musicale n’en reste pas moins accessible à l’auditeur occasionnel. La vrai force de Selway est d’avoir su mettre en place une musique intelligente et harmonieuse qui s’élève progressivement, sans se presser. Le dialogue musical a rarement été aussi agréable et nous l’en remercions. Il n’aurait pas comme un huitième album à terminer par hasard ?
Pierre Gourvès
By Some Miracle
Beyond Reason
A Simple Life
All Eyes on You
The Ties That Bind Us
Patron Saint
Falling
Broken Promises
Don’t Look Down
The Witching Hour