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The Whitest Boy Alive – Stockholm, Salle Strand, 19 septembre 2010

THE WHITEST BOY ALIVE – Stockholm, Salle Strand, 19 Septembre 2010

Ce dimanche, jour fatal des élections tri-annuelles en Suède, nous retournons dans le quartier de Södermalm, dans ce Strand déjà familier, avec sa vue sur le lac et sa proche piscine-sauna flottante…
Pour cette seconde soirée consacrée à The Whitest Boy Alive, side-project du Norvégien Erlend Øye, c’est un changement d’ambiance : nous n’avons pas l’impression d’être un dimanche soir, la salle est pleine de ce public si particulier, en fashion-week perpétuelle, complètement survolté voire excité. Il y a des tournantes endiablées à la table de ping pong, ça crie, ça gueule, ça boit (beaucoup), et ça papote dans les canapés de récup’.
L’autre activité (un peu plus marginale) est de consulter son  »androïd » pour suivre les résultats des élections. L’information tombe vite : les Sverigedemokraterna, sorte de F.N. Suédois, ont non seulement franchi la barre des 4% qui leur permettra d’accéder pour la première fois au Parlement mais ont doublé le score. L’Alliance de Droite est également reconduite pour la seconde fois après presque 50 ans de gouvernement socialiste. Une lourde page se tourne donc ce soir…

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Ça fait longtemps que j’ai déclaré ma dépendance envers le duo norvégien des Kings of Convenience et pourtant je ne les ai jamais vus en concert : problème de calendriers, concerts trop chers voire annulation de dernière minute (Nouveau Casino en été, qui s’en souvient ?). C’est un de mes grands regrets. Par contre, j’ai vu Erlend Øye en 2003 au festival de Bourges. C’était dans une petite salle excentrée, aux trois quarts vide, avec quelques jeunes filles fans hardcore de l’Homme Le Plus Blanc Vivant. Il avait entraîné à danser sa petite bande : ça ressemblait un peu à ces boums de notre enfance dans les garages des parents, en plein après-midi. Rien de très passionnant donc, ce qui m’avait conduit à ne jeter qu’une oreille distraite sur ses productions hors Kings of Convenience (sauf son très drôle DJ Kicks avec sa reprise acoustique du Last Christmas de Wham!).
Si José cherche l’aventure collective avec Junip, Erlend, lui, entend assumer son autre versant : le disco, la dance. Plutôt étrange de la part de quelqu’un qui a décrit sa musique au sein de Kings of Convenience comme  »celle que tes parents écoutaient » mais finalement, lorsque qu’on regarde ce jeune public, est-ce que les parents de cette jeune fille en robe à pois ne se sont pas rencontrés en dansant en boîte sur Robin S ?

La musique de The Whitest Boy Alive a évolué. De l’électro dansante conçue dans l’autarcie des chambres-studio, elle est devenue une oeuvre, elle aussi, collective. Elle ressemble quand même à un écrin pop pour le grand lutin roux qui s’agite partout. Difficile de le quitter des yeux même si les accords qu’il gratouille ne sont guère passionnants. Et pourtant. Comme chez Junip, on cherche dans ce projet d’autres voies qu’un simple accompagnement de  »star » : le batteur et le clavier se font face au premier rang. Là encore, c’est une affaire de rythme et de mélodies, non fournies par le principal acteur. L’ensemble se veut dansant donc très rythmé et batteurs et claviers improvisent plus ou moins des motifs disco et dance. Les chansons laissent finalement une grande part de liberté aux instrumentistes qui se regardent et s’amusent véritablement, j’imagine, au moins autant qu’en studio de répétition.
La grande affaire du concert, sans jeu de mot, c’est quand même Erlend. Cette grand asperge rousse est hilarante à regarder : il se tortille, invective le public en agitant ses longs bras filiformes. Erlend Øye est un peu le Notre Président de la Pop.
Dès le début, il conseille aux photographes du premier rang de poser leurs gros appareils devant eux pour leur permettre de danser plus à leur aise et précise que le premier rang de spectateurs est très important pour les artistes et qu’il nous surveille. On se sent un peu visés forcément… Et les jeunes groupies redoublent de mouvements dansants.
Tout le concert sera sur ce mode-là : alternance de morceaux dansants et (mono-)dialogue avec le public qui sera de plus en plus en communion avec le groupe.
Sur la fin, Erlend nous tient un discours :  »C’est le soir des élections (moue triste).. Réjouissons-nous d’être dans un pays où il y a encore une démocratie. Ce soir, nous sommes là ensemble et il n’y a rien de plus beau pour célébrer la beauté du monde que de chanter tous ensemble ». Sur ce, il nous apprend un petit air à reprendre en coeur et lorsque les portables commencent à s’allumer, sans interrompre la musique, le clavier se lève, s’approche de la scène et va demander avec un grand sourire, à chaque personne portable en main, de l’éteindre. Et Erlend de conclure avant de lancer la chanson :  »Ceci n’est pas pour vos amis sur Youtube, ceci est pour vous ! Maintenant ! ».
La foule est chauffée à blanc, les filles hystériques (je manque de perdre encore un peu de mes capacités auditives. Il faut arrêter les concerts de filles).

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Effectivement, l’ambiance morne de ce dimanche post-élections est bien loin et Erlend de continuer :  »Samedi soir, nous étions à Oslo pour jouer mais ce  »samedi soir » est meilleur que le samedi soir d’hier ». Pour parachever ce moment, Erlend se jette dans la foule qui le porte.
Le concert, à l’image des déclarations alambiquées du roux meneur, prend une tournure complètement free. Erlend, interrompt le propre flot de ses chansons pour improviser sur  »All Night Long », le groupe bascule disco. Erlend quitte le devant de la scène pour s’asseoir près des amplis et regarder le joyeux bordel d’un groupe en roue libre entraînant la foule dans une hystérie collective et dansante. Puis, le clavier lâche son orgue Hammond pour trafiquer son Moog et faire dériver ses accords vers une ritournelle dance bien connue de ceux qui ont fréquenté NRJ et les discothèques des années 90. Honnêtement, sans l’aide de Google et YouTube je n’aurais pas retrouvé le titre : « Show Me Love » de Robin S. Cette scie dance se trouve comme transfigurée par l’énergie du live : une sorte de jam dance. Erlend Øye est bien le digne fils illégitime (mais naturel) de Simon et Garfunkel qui auraient fauté avec Robin S. Un peu comme si Paul Simon avait eu une aventure avec Docteur Alban.
Erlend et ses amis introduisent un DJ stockholmois sur scène qui va mélanger ses beats à ceux du groupe qui petit à petit quitte ses instruments et se retrouve à papoter devant la table du DJ. La musique et l’ambiance sur scène ressemblent à une boum 90’s avec les nerds qui papotent près du copain DJ en se trémoussant gauchement. Il faut voir le clavier en pantalon de toile à carreaux blancs et rouges avec sa tête : étrange mélange de Philippe Lebruman (The Married Monk) et de Fabrice (Abus) Dangereux (plus connu des Toulousains sous l’alias DJ Last Hétéro).

Après un ultime rappel mélangeant groupe et DJ, le groupe abandonne la scène au DJ et Erlend descend dans la fosse pour danser avec le public. Il passe de groupe en groupe, papotant vite fait avec chacun (et surtout chacune) et danse beaucoup (on le sait depuis sa chanson  »I’d rather dance with you than talk with you »).
La salle se transforme donc en club dance et se vide peu à peu mais tout le monde arbore un large sourire aux lèvres. Il sera temps, demain, de déplorer l’entrée au Riksdag des Sverigedemokraterna… Un peu plus tard, avant de quitter les lieux, nous verrons Erlend circuler dans la salle, un sac plastique Gina Tricot à la main comme n’importe qui.
Dans le métro qui nous ramène dans le nord bourgeois de Stockholm, d’autres fêtards en costumes et boutons de manchettes savourent un autre moment présent.. qui ne sera pas non plus sur YouTube.

 

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