KULA SHAKER – Pilgrims Progress
(Strangefolks Records / Naïve) [site] – acheter ce disque
C’est plutôt inattendu de réentendre parler de Kula Shaker en 2010 : voilà typiquement le groupe que je pensais désintégré en poussières, cramé depuis longtemps dans les queues des comètes Blur et Oasis peu avant la fin du millénaire. Un petit soldat dans l’histoire de la pop. Consultons nos chroniques : ah oui, à l’époque, ils tenaient assez bien la corde, un petit cran seulement au-dessous des stars de l’époque, mais auteurs de deux ou trois tubes retentissants (dont la reprise "Hush"). Surtout, ces petits malins avaient trouvé le créneau qui leur assurait à la fois la reconnaissance publique et la caution Beatles indispensable à l’époque, aromatisée d’une bonne rasade d’exotisme : la pop indianisante. Un sitar par-ci, un alignement de quintes par-là, plus le récit dans les médias d’une escapade de Crispian Mills (le chanteur leader) en Inde, transformée en voyage initiatique pour le mythe ; dans les années 90 en Angleterre on pouvait raconter n’importe quoi au nom du renouveau sixties. Bref, Kula Shaker pratiquait une pop correcte, un peu commerciale, un peu exotique, et participait opportunément à la bande-son de l’époque.
Avec ce nouvel album, le quatrième, on sent bien que le groupe espère le statut de "groupe arrivé à maturité", évite l’exotisme de pacotille, et vise plutôt les fondamentaux de la pop anglo-saxonne. Résultat : cordes très George Martin en entame d’album, très alléchantes, mais immédiatement rattrapées par cette voix plus faite pour la brit pop que pour la finesse orchestrée. Tout de même, c’est une belle surprise en entrée, on ne s’ennuie pas, loin s’en faut – malgré des paroles franchement bof sur la mort de Peter Pan… Le reste est plus ou moins à l’avenant : pompage frénétique des Beatles ("I’m crying" chanté presque comme sur le Walrus), aussi du Zim ("Don’t follow leaders" scandé sur "Modern Blues", et pas très approprié ici), mais une énergie certaine, et des arrangements pop mais complexes et travaillés. De la même façon, les multiples références littéraires et mythologiques sont à double tranchant : en vrac, Peter Pan donc, Ophelia ou John Bunyan constituent un imaginaire à la fois varié et relativement convenu – on aurait sans doute aimé qu’un parolier qui cite Dylan, et qui se réclame de la mythologie hindoue, fasse preuve de plus de folie dans ses évocations.
Certes, on pourrait descendre allègrement cet album si l’on avait la plume un peu légère, pour des raisons aussi diverses que légitimes (ringardise, boursouflure, plagiat frôlé). Mais on peut voir aussi dans cette nostalgie (des nineties, donc des sixties) un élément moteur de l’album, qui fait de ce "Pilgrims Progress" un objet certes sans surprise, mais bien enrobé, joliment ouvragé dans une tradition de britpop à tendance psyché quelque peu passéiste, mais qui, au vu de l’enthousiasme qu’il dégage finalement, n’est pas complètement désuète.
David Dufeu
Peter Pan RIP
Ophelia
Modern Blues
Only Love
All Dressed Up
Cavalry
Ruby
Figure It Out
Barbara Ella
When a Brave Needs a Maid
To Wait Till I Come
Winters Call