SIOBHAN WILSON – Songs
(My Major Company / Warner) [site] – acheter ce disque
Le label participatif My Major Company (des internautes anonymes financent la production des disques) s’étant fait connaître avec le pénible Grégoire, on abordait sans enthousiasme excessif le disque de sa nouvelle recrue, la jeune Ecossaise à prénom irlandais – et Parisienne d’adoption – Siobhan (prononcez "Shivone”) Wilson. Le titre minimaliste de l’album, "Songs" (absence d’inspiration, fausse modestie, hommage à Leonard Cohen, Randy Newman et It’s Immaterial ?) et la page 2 du livret, banal pêle-mêle de photos souvenir (Siobhan en soirée avec ses amies, Siobhan à la plage, Siobhan en famille, Siobhan à la guitare…) laissaient craindre un produit générique destiné à rééditer le carton de l’immortel interprète de "Toi + moi". Le morceau d’ouverture dissipe heureusement nos inquiétudes : simple et frémissant, "Window Song" est une perle, qui s’impose avec une tranquille évidence dès la première écoute. Et c’est loin d’être la seule d’un disque auquel on prédirait bien un succès digne façon Alela Diane.
Comme chez la Californienne, la première chose qui frappe et ravit, c’est la voix : absolument superbe, claire, pure, agile, aux accents un peu celtiques, qui la place d’emblée dans la grande lignée des chanteuses folk britanniques. On pense aussi à Regina Spektor, Feist, Dawn Landes, Fiona Apple, voire Harriet Wheeler des Sundays – pas franchement des casseroles, donc. Côté songwriting, la brunette affiche déjà une impressionnante maturité. Certes, elle n’en est pas encore à se mesurer à Joni Mitchell ou Joanna Newsom, ses chansons sont plus classiques, moins audacieuses, encore un peu vertes, peut-être ; pour autant, elles n’ont rien d’une pâte molle pour FM.
L’album a été enregistré en grande partie à Woodstock avec, entre autres, des musiciens de Peter Gabriel, Simon and Garfunkel ou Suzanne Vega – autant dire des pointures -, mais le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne tirent jamais la couverture à eux. La voix est toujours très en avant, et la formation classique de miss Wilson transparaît dans des arrangements de cordes sobres et subtils ("Strangest Places", "Song for Louis"). Les quelques titres plus "modernes", à la rythmique un peu plus soutenue ("Getting Me Down", "Song for Anthony") révèlent une même intelligence musicale, les boucles étant finement choisies et agencées, sans qu’on sente une quelconque volonté de se raccrocher au wagon électro. Mais c’est peut-être sur sa reprise (ou plutôt réinterprétaion) de "Voir un ami pleurer", tiré de l’ultime album de Jacques Brel, que Siobhan Wilson surprend et trouble le plus. Du haut de sa petite vingtaine, l’Ecossaise se réapproprie une chanson grave, écrite par un homme au seuil de la mort, en la dépouillant de tout pathos. Et ce n’est pas loin d’être bouleversant.
Vincent Arquillière
Window Song
Getting Me Down
Song for Anthony
Voir un ami pleurer
Song for Lisa
Protective Sheep
Strangest Places
Lullaby for a Lion
Song for Louis
Bat in the Garden
Like a Wall
Mother’s Eyes