THE HOLD STEADY – Heaven Is Whenever
(Rough Trade / PIAS) [site] – acheter ce disque
The Hold Steady a tout du bâtard non désiré, au potentiel a priori limité et pris la main dans le sac en train de mimer les poses du fils légitime pour se faire bien voir de son sévère et dédaigneux progéniteur. Précisons notre introduction un brin hermétique : le groupe de Craig Finn est une manière assez virile de mélange entre les hymnes prolétaires de Bruce Springsteen (pour le chant à la gouaille américaine à souhait, les textes à prétention sociologique), les titres les plus rugueux de R.E.M. (la guitare, dans cet album, rappelle celle de Peter Buck dans "Monster", voire "Accelerate") et la frondeuse vitalité d’un des groupes les plus sous-estimés des années 80, les Replacements. Si bien que le tout s’avère à la fois traversé d’une énergie sous haute tension, dégrossi à la hache et foutrement ambitieux, le relatif problème étant que la subtilité, voire la grâce de l’ensemble n’est pas immédiatement saisissable, enterrée sous une autoroute de nerfs et de gros morceaux qu’il va falloir méthodiquement charcuter pour dénicher quelque pièce plus tendre.
Ce nouvel album est à peu près du même tonneau que le précédent, le bien-nommé "Stay Positive" et l’on retrouve avec plaisir les récits assez convaincants de Finn, toujours aussi loin du chiqué, sorte de troubadour urbain à l’ère Obama, Facebook et Twitter, ne s’embarrassant en fait guère de lyrisme malgré ses airs un peu grandiloquents. Le ton du disque est à la fois tout à fait désarmant et volontairement stimulant, dans sa tentative de faire de la musique pour adultes tout en s’adressant presque toujours aux gamins (notamment dans la belle et rude "Soft in the Center" : "I know what you’re going through / I had to go through that too"), mais l’ensemble finit, comme souvent avec le groupe, par boîter. D’une part, les propos commencent sérieusement à tourner en rond. D’autre part, la personnalité des New-Yorkais est étouffée par une production anecdotique, passe-partout, sans caractère. Leur style dramatique, fleurant l’épique, particulièrement lors de l’excellente et étrangement foutue chanson d’ouverture, "The Sweet Part of the City", hésite constamment entre différents sentiers : polyphonie de grande ampleur ? Arcade Fire pour ploucs ? Modestie acoustique ? Sono pour stades ?
Hold Steady ne tranche pas, plongeant tous les ingrédients dans le même bouillon. La soupe a du mal à passer, trop salée, ou trop grumeuse, puis trop fade, puis parfaite, mais juste le temps d’une cuillère, de nouveau sans saveur, puis… ainsi de suite, l’album oscillant entre le passionnant et l’anonyme, à l’image de leurs histoires d’une banalité toute contemporaine où défilent salles de bar, chambre d’adolescent, flirts, grands amours, jours merdiques et rencontres décisives. "I’m just trying to tell the truth…" Ouais, pour le meilleur et pour le pire, leur musique ressemble à la vie, parfois terriblement chiante, pleine de clichés et d’impasses, à d’autres moments superbe. Ou inattendue, comme dans "We Can Get Together", ballade au rythme schizophrène, comme si deux démos au tempo différent avaient été lancées en même temps pendant qu’on y ajoutait de légers choeurs et le chant de maître Finn, qui a toujours l’air de cracher, de bomber le torse, de lacer ses Doc’s même lorsqu’il est sensé y aller mollo et affectueusement.
Julian Flacelière
A lire également, sur The Hold Steady :
la chronique de « Stay Positive » (2008)
The Sweet Part of the City
Soft in the Center
The Weekenders
The Smidge
Rock Problems
We Can Get Together
Hurricane J
Barely Breathing
Our Whole Lives
A Slight Discomfort