NADA SURF – If I Had A Hi-fi
(Mardev Records / Naive) [site] – acheter ce disque
C’est un cliché, c’est certain, mais les albums de reprises ont souvent tendance à signifier une fin. Fin de contrat et/ou fin d’inspiration, par exemple. Et donc intérêt mineur pour l’auditeur, une fois satisfaite la curiosité du fan, toujours friand de reprises. En tout cas, on peut d’emblée espérer que Nada Surf n’ait pas réalisé cet album au titre en forme de palindrome (si si, essayez donc de le lire à l’envers) pour boucler leur contrat, vu qu’il sort sur leur propre label !
En près de vingt ans de carrière, les Américains n’ont jamais vraiment rechigné à l’exercice de la reprise, avec parfois un sens du hors-piste réjouissant, et toujours en gardant leur style. Le style de Nada Surf, c’est, on n’invente rien, la power pop un rien carrée, sauvée la plupart du temps de l’ordinaire par un sens du refrain ensorcelant et surtout par la fêlure de la voix de leur chanteur, Matthew Caws. Sans surprise, le trio applique donc cette formule à ce cortège de morceaux un brin hétéroclite, en bref, ils font du Nada Surf avec un peu tout ce qui leur tombe sous la main – preuves de goûts (on ne reprend pas les Go-Betweens ou Arthur Russell par hasard), tube certifié (Depeche Mode), curiosités (Coralie Clément), découvertes (en tout cas pour moi : Bill Fox, un parrain méconnu de la power pop), contemporains (Spoon) voire jeunes pousses en vogue (The Soft Pack). Et ça marche à peine moins bien que ça marcherait sur un nouvel album de Nada Surf. D’élégante bicyclette, le « Love Goes On » de Grant McLennan est transformé en une mobylette pétaradante sans trop de dommage collatéral. « Enjoy the Silence », l’un des titres les plus évidents de la bande de Basildon, bénéficie d’une reprise subtilement, très subtilement, décalée. Tiré à l’origine de « The Sensual World », le « Love and Anger » de Kate Bush est méconnaissable (tant mieux, une copie carbone aurait été une drôle d’idée) et la reprise d’un titre français, pas si étonnant que ça pour ces francophiles ayant déjà repris Indochine, Françoise Hardy ou Alain Souchon, le « Bye Bye Beauté » de Coralie Clément donne envie d’entendre Laurent Voulzy se mettre à la power pop. Ajoutons l’introductif « Electrocution » (de Bill Fox), la rafraîchissante virgule acoustique due à Arthur Russell et l’épatant « Questions » des Moody Blues, dont l’alternance guitares qui bourrent / cuivres majestueux est difficile à bouder, et on aura à peu près fait le tour du propriétaire. Une seule déception : l’album est totalement inécoutable à l’envers ! Mais à part ce petit détail, il est fort efficace et plaisant, suffisamment imprévisible pour attiser l’intérêt au-delà d’une première écoute. Contrat rempli.
Guillaume Sautereau
A lire également, sur Nada Surf :
la chronique de « Lucky » (2008)
la chronique de « The Weight Is a Gift » (2005)
Electrocution (Bill Fox)
Enjoy the Silence (Depeche Mode)
Janine (Arthur Russell)
You Were So Warm (Dwight Twilley)
Love and Anger (Kate Bush)
Agony of Lafitte (Spoon)
Bye Bye Beauté (Coralie Clément)
Question (Moody Blues)
Bright Side (Soft Pack)
Evolucion (Mecromina)
I Remembered What I Was Going To Say (The Silly Pillows)