BRIDGET ST. JOHN – Paris, Les Voûtes, 27 Avril 2010
Bien que ses principaux albums sortis à la charnière 60’s-70’s aient été dûment réédités en CD, Bridget St. John reste une quasi-inconnue en dehors du cercle des amateurs éclairés du folk anglais. Il est vrai que sa brève carrière s’est quasiment arrêtée après son installation à New York en 1976. D’où notre surprise en apprenant sa venue à Paris (près de 40 ans après son dernier concert dans la capitale !), à l’invitation de l’organisateur de concerts pointus Maxime Guitton, alias Ali_Fib. La petite salle des Voûtes, quasiment le seul lieu vivant dans le quartier de la Grande Bibliothèque en soirée, paraissait particulièrement appropriée pour ce genre de rencontre intime, à la portée de tous (10 euros la place, respect).
L’affiche était en fait double : Bridget St. John, donc, et l’encore plus obscur Michael Chapman, qu’elle décrit comme son "frère" en musique. Né à Leeds en 1941, Chapman a, comme sa "soeur", débuté à la fin des années 60 et bénéficié du soutien inconditionnel de John Peel, sans pour autant vendre beaucoup de disques. S’il chante un peu, d’une voix charbonneuse qui ne manque pas de charme, ce quasi-septuagénaire est avant tout un excellent guitariste, dans la lignée de Bert Jansch ou Davy Graham. Peut-être faudrait-il être soi-même un as de la six-cordes pour apprécier pleinement son jeu, mais dans ce total dépouillement, la qualité des compositions s’impose avec évidence. Un belle découverte tardive – pour l’auteur de ces lignes en tout cas.
Personne ne semblant très pressé, il faut attendre 22h45 environ pour que Bridget St. John monte sur la petite scène, dont la décoration se limite à une dizaine de bougies alignées sur une table basse. Le concert démarre très fort avec une adaptation du "Just like a Woman" de Dylan, que le passage du "she" au "I" rend encore plus émouvant. Suivront, chantés d’une voix sur laquelle le temps n’a déposé qu’un léger voile, quelques "classiques" d’il y a quarante ans ("Ask Me No Questions", "Lizard-Long-Tongue-Boy"), des morceaux plus récents composés aux Etats-Unis, et des reprises de ses autres "frères", dont John Martyn, pour un lumineux "Back to Stay" que Bridget interprétait déjà sur son deuxième album en 1971.
Comme sur le live enregistré à Montreux en 1972 et ajouté en bonus à la réédition de "Thank You for…", Bridget introduit chaque morceau en français, cherchant parfois ses mots et ne les trouvant pas toujours, s’en excusant presque alors que son niveau de langue est plus que correct. Devant un public recueilli, elle évoque avec pudeur les événements personnels ou mondiaux (première guerre en Irak, attentat d’Oklahoma City, 11 Septembre) qui ont inspiré certaines chansons. Au rappel, comme on pouvait s’y attendre, elle revient accompagnée de Michael Chapman. Une nouvelle reprise de John Martyn ("The River"), un spiritual ("Lazarus"), et puis s’en va. Minuit est passé, un ange aussi, qui nous accompagne encore dans les rues vides de la ville.
Vincent Arquillière