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JJ – JJ n°3

JJ – JJ N°3
(Secretly Canadian / Differ-Ant)acheter ce disque

JJ - JJ N°3Une vague connaissance me disait l’autre jour : "Sans cannabis, le premier album de JJ perd au moins une moitié de son pouvoir d’envoûtement." Je lui répondais que le problème, alors, était que l’opiacé ayant à peu près les mêmes effets que ce disque assommant et léthargique, les raisons poussant à l’écouter faisaient un malheureux doublon avec celles nous dépêchant de tirer de langoureuses ponctions d’un afghan bien roulé. Autant, ajoutais-je, écouter un disque de Tricky, qui a le mérite de décupler les sensations d’engourdissement avant de frapper là où ça fait mal et de nous réveiller tout en sueur et incapable de savoir ce qui diable s’était produit. JJ ne fait qu’amollir, davantage encore sur ce très médiocre second LP.

De la même manière que la première taffe, succédant à une relativement longue abstinence, est souvent la meilleure, le premier titre, "My Life", est certainement le moins creux de l’album. Non que l’agréable et rabâchée nappe de piano soit à elle seule suffisante pour faire oublier le manque d’énergie et la pose d’un chant mou, inepte que certains considéreront probablement fort mélancolique. Désolé de poser la question, mais la chanteuse ne s’adresse-t-elle pas à Dieu en personne, à son "cher Dieu" même, et le Seigneur, par l’entremise d’un de ses prophètes, n’a-t-il pas exprimé son aversion pour les tièdes ? Voilà une jeune fille qui chiale niaisement sur l’injustice de ce monde pour finalement décocher sa petite flèche de fausse humilité dans le but improbable que Dieu, ou l’auditeur ou je ne sais pas qui, lui réponde que si, enfin," tu n’es pas comme les autres", etc. Deerhunter, The XX ou Beach House ne disent certes parfois pas autre chose, mais d’une manière radicalement différente, semblant réellement en vivre plutôt que le subissant, crachant, brûlant, tapant du poing et non de la bedaine. JJ gazouille toujours les mêmes âneries sur un ton monotone ("Golden Virginia", "You Know"), sur une musique tentant très fort de paraître sophistiquée pour au final ressembler à n’importe quel groupe à machines atteignant le ventre mou du top 50 ("Into the Light", "Let Go").

Question de tempérament sans doute, mais le principal reproche de fond, si l’on peut dire de cet album qui en est dépourvu, que j’aurais à formuler est toujours le même quelle que soit la chanson : contenu bien dans son époque, blasé, cynique, geignard et immature que l’on espère dissimuler avec une musique a priori gaie, disons le genre de gaieté amorphe que l’on obtient en se plongeant dans un état d’anesthésie émotionnelle. La différence entre les deux disques demeure infime, sinon que l’effet de surprise et l’été passés, JJ ne puisse guère espérer tromper leur monde plus longtemps. Fait de bric et de toc du début à la fin, "N°3" égaiera les jeunes gens s’imaginant leur vie voluptueuse à force de siestes et d’ennui. Si les Suédois avaient eu une once de lucidité, ils auraient dû appeler leur album "Fake Plastic Music". Lou Reed, lui, n’était pas dupe en nommant un des siens "Metal Machine Music".

Julian Flacelière

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My Life
And Now
Let Go
Into the Light
Light
Voi Parlate Io Gioco
Golden Virginia
You Know
No Escapin’ This

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