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Gorillaz – Plastic Beach

GORILLAZ – Plastic Beach
(EMI) [site] – acheter ce disque

GORILLAZ - Plastic BeachCherchant à expliquer l’incontestable réussite du dernier Gorillaz, nous voici amenés à endosser une fois de plus le loden et – espérons – l’intuition acérée de Sherlock Holmes, notre modèle par défaut (nous manque toujours le soutien admiratif d’un Docteur Watson, pour ne rien dire d’une audience internationale). Il n’empêche, on a mis la main sur le secret de Damon Albarn caché dans les notes de pochette de "Plastic Beach", exposé à la vue de tous et pourtant impénétrable, comme une certaine "Lettre Volée".

Vendons la peau de l’ours, il se trouve dans les remerciements, fort nombreux au vu des stars de tous âges et toutes disciplines qui ont collaboré au projet : on y lit David Bowie. DAVID BOWIE ? Alors qu’il ne chante ni ne joue d’aucun instrument sur "Plastic Beach" ? Quel est ce mystère ? Deux réponses dans les portraits que Jamie Hewlett a faits des membres de Gorillaz. Noodle, la guitariste clonée par Murdoch, est représentée la bave aux lèvres, le regard torve, pauvre créature hérissée de tuyaux à la façon du clown blanc-Major Tom dans le clip séminal de "Ashes to Ashes". Et, second indice, 2D, le double-chanteur d’Albarn pose sur une barque avec, bien en vue, la pochette de "Hunky Dory", lui-même disque-hommage notamment à Lou Reed, présent ici sur l’une des plus belles plages. Une boucle de bouclée ? Voire, mais pourquoi David Bowie ? Trop de doubles en bataille ici…

Et si Bowie était tout simplement, bien plus que Ray Davies, le modèle caché d’Albarn ? L’"homme qui venait d’ailleurs" a souvent été comparé à un vampire. Qu’est-ce que "Plastic Beach", sinon le désir vampirique d’annexer quarante années de musiques populaires par l’intermédiaire des figures dominantes qui s’y sont distinguées, de Bobby Womack à deux des Clash rabibochés ? Quelque part entre Noé et le promoteur démoniaque d’"Interstella 5555", Albarn fait monter dans son arche en plastique soul, rock, punk, new-wave, hip-hop gangsta’, grime ou à fleur, néo-classique et world music. Comme Bowie, l’ex-leader de Blur ne se limite pas au passé et convoque Little Dragon, quasi-inconnus électro de seconde division qui passeront peut-être en première. Autre détail : la dent qu’il a perdue à l’époque de "Demon Days" a été remplacée par un implant argenté : Albarn aurait-il vraiment les crocs ? On pourrait s’offusquer de cette ambition démesurée façon Fantôme de l’Opéra, regimber devant un plan-média aussi coûteux que le PIB de la Mélanésie, vouer aux gémonies un concept-album sur le devenir écologique de notre planète avec pour héros des personnages de cartoon désignés pour ados boutonneux. Et pourtant, on n’en fera rien car on est conquis. Bien loin des surestimés albums américanoïdes de Blur, Albarn réalise avec "Plastic Beach" son chef-d’œuvre, comme si la digestion de ses inspirations n’était réellement opérante et artistiquement féconde qu’à leur contact physique – d’où de nombreux duos ou trios. "Plastic Beach" est, pourrait-on dire, un disque "vache", ces animaux ayant plusieurs estomacs, et le suc qui attaque la matière première de ces genres divers n’est autre qu’un petit orgue omniprésent à l’ironie enfantine. Que retenir de tout ça ? Plein de choses : "Some Kind of Nature" donc, soit la face rose du Velvet expliqué aux p’tits gars d’aujourd’hui, mais aussi "Rhinestone Eyes", sorte de "Dare" entêtant sans les éructations de Shaun Ryder, mais encore les deux miniatures avec Little Dragon (surtout "Empire Ants"), la proto-acid-house déglinguée de "Glitter Freeze" (starring le pâteux-rocailleux Mark E. Smith), un très Stranglers "On Melancoly Hill", le délicat bibelot "Broken" (peut-être la chanson la plus touchante d’Albarn), et pour la bonne bouche le furieux "Sweepstakes" rappé par Mos Def, sans oublier "Pirate Jet" la conclusion goguenarde dont on aurait bien doublé la durée. Ouf, cela fait définitivement beaucoup. Pour tout dire, "Plastic Beach" est tellement bon, tordu, coloré, galvanisant qu’on n’en revient pas. Assumant enfin son côté Murdoch (à qui Hewlett a curieusement prêté un physique à la Graham Coxon, le faux-frère), Albarn dépasse enfin le "à la manière de" qui condamnait ses meilleures chansons à n’être que de sympathiques pastiches ("Song 2", du Pixies vroum vroum). La vie serait-elle justice ?

Christophe Despaux

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Orchestral Intro
Welcome to the World of the Plastic Beach
White Flag
Superfast Jellyfish
Rhinestone Eyes
Stylo
Empire Ants
Glitter Freeze
Some Kind of Nature
On Melancoly Hill
Broken
Sweepstakes
Plastic Beach
To Binge
Cloud of Unknowing
Pirate Jet

 

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