TWO DOOR CINEMA CLUB – Tourist History
(Kitsuné / Cooperative Music) [site] – acheter ce disque
La sénilité approche-t-elle plus vite que l’andropause ? On se faisait récemment la réflexion à nous-mêmes que la dématérialisation de la musique avait entraîné un bouleversement géographique de la hype. Avant, les groupes hype nous étaient exportés presque exclusivement d’Angleterre par l’intermédiaire du Festival des Inrocks, et leur durée de vie – une ou deux saisons – n’empêchait pas qu’on passât d’assez bons moments ensemble. Aujourd’hui, la hype n’est qu’exceptionnellement anglaise et majoritairement américaine, sa plaque tournante mondialisée, Pitchfork, goûtant peu les groupes jetables anglo-centrés du NME. C’est donc avec une certaine surprise qu’on entendit parler çà ou là de Two Door Cinema Club, jeunes et gentils Irlandais signés chez Kitsuné, autres pourvoyeurs mondialisés en hype électroïde. Disons-le tout net, on avait bon espoir : "Something Good Can Work", irrésistible single de l’année dernière – le meilleur de Vampire Weekend allié au moins pire de Phoenix – nous donnant presque envie de leur signer un blanc-seing pour toute leur production future. On a bien fait de se retenir. Entre produit calibré et accident industriel, "Tourist History" mange à tous les râteliers d’un certain son dance-rock (Franz Ferdinand, Bloc Party, Wombats). Autrement dit, Two Door Cinema Club plaque des guitares véloces et affûtées sur des rythmes trépidants dans un esprit fluo assagi avec une tendance au mièvre qui rappelle leurs grands devanciers, les Frank & Walters, qu’on exhume parfois au détour d’une vieille compil’ Inrocks en se demandant : "Mon Dieu !, mais comment j’ai pu aimer ça ?" (alors que justement, non, on n’a jamais aimé ça).
Sortons la boîte noire de "Tourist History" ; deux coupables à pointer du doigt : 1) un songwriting morne ne déclinant que tous les modes du sautillant (avec un fort penchant pour le niaiseux : le refrain à la Inspiral Carpets de "Come Back Home", "Do You Want It All ?" : euh, non…) ; 2) une production désolante à la fois plate et brouillonne incapable de rendre justice au son du groupe principalement basé sur les strates de guitare (pour bien visualiser l’effet obtenu, imaginons un mille-feuilles passé au fer à repasser, flapi avec de la crème qui suinte). Que sauver du désastre ? Même pas "Something Good Can Work" présenté dans un mix alternatif qui le castre totalement. Reste "I Can Talk", un peu moins de trois minutes de lobotomie dance-rock à la "Helicopter" de Bloc Party, et, si l’on est bien disposé, "Eat That Up, It’s Good For You", sequel plaisant de ‘Something Good" avant un affreux mur de guitare (guitariste : "Ouh, j’ai plus d’idée pour finir le morceau. Larsen ?" ; reste du groupe : "Larsen !!!"). Bref, "Tourist History" est une petite madeleine qui nous rappelle comment durant nos très médiocres nineties, on s’est illusionné dix secondes pour un tas de groupes, ces "next big things" devenus en moins de temps qu’il faut pour l’écrire des "old nothings" (World of Twist, The High, Paris Angels, remember ?). C’est mal de brimer la jeunesse, mais s’infuser des purges insignifiantes en criant à la Visitation, plus pour nous non plus, hélas ?
Christophe Despaux
Cigarettes in the Theatre
Come Back Home
Do You Want It All ?
This Is the Life
Something Good Can Work
I Can Talk
Undercover Martyn
What You Know
Eat That Up It’s Good For You
You’re Not Stubborn