DOUBLE U – Pineapple Dream
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Les différents échos que j’avais de Double U, alias Frank Rabeyrolles aka Franklin, me faisaient, je l’avoue, un peu peur : une sorte de mélange hybride entre folk et electronica (Nick Drake meets Boards of Canada, donc). Typiquement le genre de musique qui donne très envie sur la papier mais qui peut s’avérer décevant à l’écoute. Autre circonspection, la présence de Laetitia Sadier de Stereolab pour un duo, le temps d’un titre, que l’on imagine déjà avoir du mal à s’insérer logiquement dans un album (un guest "VIP" ne garantissant pas forcément un bon disque…). C’est donc les oreilles vierges de la musique de Double U mais le coeur plein d’appréhension que je me lance dans l’écoute de ce "Pineapple Dream".
Dès l’intro, je suis rassuré, le duo avec Laetitia n’en est pas vraiment un : entrée en matière tout en douceur, tout juste murmurée, du bout des lèvres et en 1 min 37. L’album ne cherche donc pas à s’imposer de suite. Et c’est ce qui fait sa force, car "Pineapple Dream" est de ces disques qui se méritent au fil des écoutes et dont la simple évocation du nom laisse imaginer la musique qu’il renferme…
Explications : si le "Pineapple" évoque la pop music "fruitée" la plus pure, des "Strawberry" Beatles aux "Oranges & Lemons" XTC, le "Dream" évoque, lui, toute un pan de la musique dite planante (du rock progressif à l’electronica en passant par l’ambiant). Effectivement, Frank Rabeyrolles nous propose un savant va-et-vient entre véritables pop songs ("Eh Bro" / "I Made Up My Mind" / "Deconstruction" / "Enough") et titres plus planants mais toujours concis et passionnants.
Disque hétérogène alors ? Pas du tout, le lien se fait naturellement entre tous ces morceaux via une production électro et très psyché (sons oniriques sortis d’on ne sait où, choeurs irréels presque omniprésents) alliée à l’utilisation discrète d’instruments plus terriens mais tout aussi évocateurs (banjo, sitar, harmonium et même scie musicale). Finalement, dans la mise en son, l’album est nettement plus "Dream" que "Pineapple", donc. Mais, à l’inverse du parfois indigeste dernier album de Grizzly Bear, la musique proposée ici tient plus d’un Robert Wyatt sensible que d’une pop vaguement progressive sans âme, la limpidité des mélodies l’emportant toujours sur la complexité architecturale des morceaux. D’ailleurs, la voix de Frank nous rappelle étrangement celle de Wyatt sur certains titres. Difficile de rêver meilleur cousinage pour un si bel album.
Matthieu Chauveau
A lire également, sur Double U :
la chronique de « The Imaginary Band » (2008)
la chronique de « A Bottle in the Sea » (2005)
la chronique de « Life Behind a Window » (2004)
Interludic (Featuring Laetitia Sadier)
Eh Bro
Pineapple Dream
I made Up My Mind
Breathing the Wind
Ring Me
Supersize
Whatever
De-construction
The Wedding
Enough
Pianorgano
Sweet Family
Take the Bus