LAURA VEIRS – July Flame
(Raven Marching Band Records / Universal Records) [site] – acheter ce disque
Si les deux albums qui séparent "Carbon Glacier" de "July Flame" nous laissèrent un peu déçus, c’est seulement parce que celui-là était un chef d’œuvre – personnellement, l’un des disques de la décennie écoulée vers lequel je suis revenu avec le plus de constance. Habité, teinté de tragique, traversé par la magie de quelques accords suspendus, et d’arrangements aussi discrets qu’efficaces, l’album a doucement pris le statut de classique à mes yeux.
Il y a fort à parier que "July Flame" aura un destin tout aussi noble, et sans doute plus rapide, tant le nouvel album de l’Américaine est immédiat. Présenté explicitement comme le double inversé du glacial "Carbon Glacier", "July Flame" serait donc l’album de l’été : il apparaît en effet comme moins tendu, plus convivial que son Doppelgänger. De fait, les treize compositions constituent une ode à la chaleur de l’été, tantôt à sa torpeur (le country folk "Sun Is King") tantôt à l’explosion des sens qui l’accompagne, comme sur le plus enlevé "Summer Is the Champion" (sic) ou le plus étoffé "Sleeper in the Valley". On est tout à fait chez Wordsworth ou Keats, dans cet idéalisme qui n’existe que par le lien à la nature, par la primauté de la sensation sur tout concept. Voilà qui passerait pour un enthousiasme béat chez bien d’autres ; voyez les titres : "When You Give Your Heart", "Make Something Good". Seulement, la tendance boy-scout du propos est subtilement altérée par la hauteur des compositions – enfin retrouvée, donc.
Sublimés par une production sobre et aérée, les morceaux sont certes des odes naïves à la nature, mais la sincérité que Veirs y met est telle qu’elle nous emporte. Prenons "Life Is Good Blues" : avec un titre pareil, on peut s’attendre au pire ; eh bien, non, Laura Veirs nous fait vraiment un blues sur ce coup-là, plutôt optimiste, mais surtout incroyablement bien ficelé : arpège souple et accrocheur, voix entraînante et fraîche, arrangements simples sans être maigrichons – comme trois ou quatre titres sur "July Flame", celui-là fait figure de classique immédiat.
Des impressions aussi spontanément enthousiastes feraient presque oublier ce qui se cache derrière ces petits bijoux : un sens de la composition de trois minutes à la fois ultra-classique et parfaitement maîtrisé. Sur une base couplet refrain des plus banales, Laura Veirs, fine guitariste, fine metteuse en son, chanteuse troublante, balaie des humeurs allant de la joie simple à un émerveillement animiste, et sur / sous des airs ingénus, nous transporte.
David Dufeu
A lire également, sur Laura Veirs :
la chronique de « Saltbreakers » (2007)
la chronique de « Year of Meteors » (2005)
la chronique de « Carbon Glacier » (2004)
I Can See Your Tracks
July Flame
Sun Is King
Where Are You Driving ?
Life Is Good Blues
Silo Song
Little Deschutes
Summer Is the Champion
When You Give Your Heart
Sleeper in the Valley
Wide-Eyed, Legless
Carol Kaye
Make Something Good