MOLINA & JOHNSON – Molina & Johnson
(Secretly Canadian / Differ-Ant) [site] – acheter ce disque
Malheur au fan à qui on annonce la sortie d’un album pareil, rejeton d’une collaboration entre deux maîtres, deux pointures du songwriting à l’américaine. Malheur car, au bout d’une attente chargée d’espoirs déraisonnables, où se mêlent les fantasmes de quelques chansons folk parfaites, la déception est impossible à éviter. Elle ne le sera donc pas ici.
D’un côté, Jason Molina, monument à part entière, père de tellement d’albums essentiels à tout amateur d’harmonieuse mélancolie, avec Songs:Ohia, Magnolia Electric Co. ou en son nom propre, que sa discographie donne le vertige. De l’autre, Will Johnson, capable, dans la plus pure tradition du Loner, de faire pleurer les pierres avec South San Gabriel ou de les faire rouler dans tous les sens avec Centro-Matic. Il ne manque d’ailleurs qu’une reprise de Neil Young pour compléter la photo de famille. A défaut, il faudra se contenter d’un (seulement) bon disque, où les chansons, pourtant nombreuses, donnent un peu l’impression d’être enchaînées dans un souci de respecter le cahier des charges, mais n’atteignent que rarement l’intensité et les sommets d’émotion acoustique côtoyés par chacun des deux protagonistes sur leurs albums respectifs. Ici, tout semble plus retenu, peut-être aussi plus calculé. Molina paraît suivre, sans en être toujours convaincu, la dynamique amorcée par Johnson qui ouvre l’album, en donne le souffle et les principales envolées d’émotion par touches dispersées au fil des chansons. On n’est d’ailleurs pas étonné d’apprendre qu’il est l’initiateur du projet. Ni du fait que le disque ait été enregistré en quelques jours. Restent bien évidemment d’excellents moments sur cet album, notamment quand le duo donne vraiment l’illusion d’en être un ("Almost Let You In"), et cette étrange sensation d’avoir malgré tout affaire à deux personnalités terriblement fortes, lorsqu’il s’agit de caresser des abîmes de désenchantement avec un médiator. Pour les fans donc, qui, entre déception ou tristesse, trouveront de toute façon dans ce disque brutalement écorché le plaisir masochiste qui leur conviendra le mieux.
Jean-Charles Dufeu
Twenty Cycles to the Ground
All Falls Together
All Gone, All Gone
Almost Let You In
In the Avalon / Little Killer
Don’t Take My Night From Me
Each Star Marks a Day
Leonore’s Lullaby
The Lily and the Brakeman
Now, Divide
What You Reckon, What You Breathe
For as Long as It Will Matter
34 Blues
Wooden Heart