TINARIWEN
Le groupe touareg Tinariwen a sorti cette année son quatrième album, "Imidiwan : Companions" et a effectué une grande tournée en France, qui fait suite à des prestations remarquées au Coachella, à Glastonbury ou encore aux Eurockéennes. L’occasion était donc toute trouvée pour revenir avec Alhousseini ag Abdoulahi sur ce succès aussi mérité que surprenant, à l’occasion de leur venue à Bordeaux.
"Imidiwan : Companions" est votre quatrième disque ; où l’avez-vous enregistré ?
On l’a enregistré chez nous, dans notre village, à la frontière entre l’Algérie et le Mali.
Vous avez joué dans de très grands festivals et êtes acclamés un peu partout. Comment expliquez-vous ce succès ?
Pour moi, la musique est quelque chose d’universel et qui n’a pas de frontière. Les gens sont prêts à acueillir n’importe quel type de musique, et donc, en cela, ce succès n’est pas franchement étonnant. Après, il est possible que les gens soient sensibles à notre histoire, notre vécu : si c’est le cas, tant mieux, mais sinon, ce n’est pas grave, et dans tous les cas, ce n’est pas fondamental pour apprécier ce que l’on fait.
Vous parlez d’histoire… Est-ce que le fait d’être Touareg a eu une influence sur votre musique, ou sinon dans sa portée ? Est-ce que vous utilisez des éléments de la musique traditionnelle touareg ?
Nous sommes tous Touaregs, mais nous n’utilisons pas tellement d’instruments spécifiques à notre peuple : c’est sûrement moi l’élément qui rattache le plus à notre culture traditionnelle. La langue, et la cause que je défends, ce sont ça les éléments touareg : à mon sens, cela suffit. On a intégré des éléments modernes, comme la guitare, qui n’a jamais fait partie de la culture de notre peuple. Mais ça reste un instrument de travail, rien de plus.
Du fait que je ne comprenne pas votre langue, j’ai tendance à me rattacher aux émotions que véhicule votre musique. Cependant, est-ce que ça vous a traversé l’esprit de chanter en français ou en anglais ?
Ça ne nous est encore jamais arrivé, mais pourquoi pas ? Après tout, on chante tous les soirs devant un public anglais, français ou autre, alors peut-être qu’on le fera à l’avenir.
Est-ce que des artistes comme Vampire Weekend ou Robert plant ont eu un rôle, selon vous, dans l’ouverture des musiciens mais aussi du public à la musique africaine ?
Le but d’un artiste, c’est d’évoluer et donc d’essayer d’aller toujours plus loin, d’aller jouer avec d’autres artistes, de se tourner vers des musiques nouvelles. Après, de partager avec d’autres musiciens, c’est aussi une chance, tout le monde ne l’a pas, malheureusement. Pour les artistes africains, c’est quelque chose qui les attire fortement.
Justement, j’ai beaucoup parlé du monde occidental, mais votre peuple, comment a-t-il accès à votre musique ? Vous pouvez y jouer ?
Oui, bien sûr, toute occasion est bonne à saisir là-bas, que ce soit pour une fête de village, un festival ou un mariage. On essaie de répondre présent à chaque fois. Pour donner accès à notre musique, avant on enregistrait sur cassettes audio, et depuis on a toujours essayé de conserver ce lien, même si ça passe essentiellement par le live.
Comment décririez-vous le son de Tinariwen ?
Aujourd’hui, une grande partie de la musique actuelle vient du blues, au moins d’un point de vue origines. Le blues est né dans les mêmes conditions que la nôtre : la souffrance, l’exil… Et pourtant, cette assimilation tient du hasard, parce que nous, on n’a jamais écouté de blues quand on était jeune, on n’y avait pas accès. Mais des fois, il y a des connexions qui se créent, comme ça, qui proviennent de nulle part !
Avez-vous des projets prochainement ?
Oui, on a prévu d’enregistrer un disque acoustique, vers février-avril. Il sera composé de nouvelles chansons, avec d’autres artistes originaires du désert et qui ne peuvent pas tourner.
A propos de tournée, est-ce que vous avez déjà eu des problèmes pour tourner, avec les visas, tout ça… ?
Depuis quelques temps, c’est plus facile, mais ça n’a pas toujours été le cas. En Amérique, c’est là-bas que c’est le plus compliqué, et des fois, on a des problèmes sans que l’on comprenne pourquoi.
Est-ce que créer un label pour produire les artistes de votre peuple est un projet qui vous intéresserait ?
Oui, bien sûr, mais ce n’est pas évident de dégager un budget pour faire connaître un artiste, trouver le temps pour découvrir tout ce que fait l’artiste… Donc on y pense, mais il n’y a rien de plus précis véritablement.
Propos recueillis par Mickaël Choisi
Photo par Yvette Monahan
A lire également, sur Tinariwen :
la chronique de « Imidiwan : Companions » (2009)