EPRHYME – Waywordwonderwill
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Imaginez un mélange improbable entre Socalled, pour le rap infusé au klezmer et l’identité juive affirmée, Curse ov Dialect, pour l’aspect militant et la profusion de samples orientaux, et les Lost Children of Babylon, pour le côté religieux kitsch. C’est un peu ce que semble nous proposer Eprhyme sur son premier album, « Waywordwonderwill ».
Serait-ce donc l’un de ces innombrables concepts foireux dont le hip-hop est friand ? Oui, peut-être. Mais quelques indices nous incitent tout de même à considérer notre rappeur juif avec un peu plus d’attention. Tout d’abord, ces deux singles que notre ami, New-Yorkais d’adoption mais originaire d’Olympia, a sorti là-bas, chez K Records. Ensuite, ses influences hip-hop, au premier rang desquelles figurent Co-Flow et Freestyle Fellowship, peu communes chez les marioles rap de service. Enfin, la présence à la production d’une connaissance, à savoir ce bon vieux Smoke d’Oldominion.
Et de fait, malgré l’aspect repoussant, voire carrément grotesque, de la pochette (ce visage à regard perçant "plus sémitique que moi tu meurs", ces Tables de Loi scintillantes…), l’album tient la route. Contrairement à ce que l’on aurait pu craindre, notre rappeur, Eden Pearlstein de son vrai nom, ne donne pas dans le ridicule d’un rap identitaire à tout crin. Au contraire, le judaïsme qu’il cherche à promouvoir se veut centré sur la spiritualité plutôt que sur le communautarisme. Puisant ses réflexions dans la tradition hassidique, il prêche le pacifisme ("Shomer Salaam"), le dialogue, l’ouverture au monde ("Face to Face"), l’unité des religions ("this is God, the rest is commentary »), il se livre à une critique assez juste de l’identité juive ("Pride and Prejudice"), il appelle à la fraternité avec les Musulmans, allant jusqu’à s’exprimer sur des sons et chants arabes ("My Mouth Is a House of Prayer").
Et pour qui ne serait pas convaincu par les sermons gentiment hippy d’Eprhyme, parfois agrémentés d’hébreu ("Fixing Midnight") – à moins qu’il ne s’agisse de yiddish – il y a d’autres arguments, essentiels. D’abord, notre homme rappe bien, et dans plusieurs styles, avec une prédilection prononcée pour les phrasés rapides et le rap double-time. Ensuite, les beats assurent. La formule klezmer rap fonctionne à plein sur plusieurs titres, elle donne lieu à deux graines de hit avec "Punklezmerap"et "Heavy Shtetl", et offre plusieurs variantes sympas (cf. le sampladélique "The Impossible Dream"). Qui plus est, l’album n’abuse pas de cette recette, il sait proposer, ici, un morceau joliment r’n’bisant ("Where the Heart Is"), là, un folk rap à flûte présentable ("Face to Face"), ailleurs un titre bouncy entraînant ("Beggin’ for Change") ou des nappes de synthé ("Tears of Stone").
A ce jour, Ephryme a d’abord suscité la curiosité d’une presse intéressée par la culture et l’identité juives. Il serait pourtant dommage de ne résumer « Wayword » qu’à cela. Car au-delà du folklore, en plus de ce côté bête de foire, et même pour quelqu’un qui, comme votre serviteur, n’est pas spécialement sensible au discours religieux Bisounours de notre rappeur, c’est dans l’ensemble un chouette album qu’il nous propose ici.
Sylvain Bertot
Tikkun Adam
Punklezmerap
Shomer Salaam
Beggin for Change
Tears of Stone
My Mouth Is A House Of Prayer
Where The Heart Is
Pride and Prejudice
Its All G!D
Face To Face
Heavy Shtetl
The Impossible Dream
Fixing Midnight