THE WHITEST BOY ALIVE – Rules
(Bubbles / Differ-Ant) [site] – acheter ce disque
Un beau jour, il se pourrait bien qu’Erlend Øye reçoive la légion d’honneur pour service rendu à la confrérie des losers du monde entier. Ceux qui sont roux, binoclards, maigrichons, ceux dont les gestes sont maladroits et embarrassés, ceux que la gent féminine a toujours ignorés et pour qui la musique restait le seul et unique moyen de s’en faire remarquer. Bref, ceux qui cumulent. Erlend semble avoir appliqué les préceptes de Cocteau à la lettre ("Ce qu’on te reproche, cultive-le, c’est toi") : ces caractéristiques a priori si rédhibitoires, il n’a cessé de les afficher pour en faire des atouts et construire patiemment un personnage de nerd fantasque reconnaissable entre mille. Au fil des années et des disques des Kings of Convenience, Erlend est ainsi devenu ce grand cousin d’Europe du Nord qu’on vient voir sur scène avec plaisir et fidélité et qu’on admire secrètement. "The coolest guy in the world", comme on peut le lire sur YouTube.
En marge de ses escapades bucolico-norvégiennes, cet éternel adolescent a monté avec trois blancs-becs berlinois The Whitest Boy Alive, groupe qui a publié en 2006 son premier album intitulé "Dreams". Le concept ? Un revival eighties joué par des dilettantes plein de bonne volonté. Si l’objectif affiché était de faire danser (les filles en priorité), il se trouvait alors gentiment parasité par la voix blanche et mélancolique d’Erlend (une des plus belles voix sur le marché de la pop music). Et c’est précisément cela qui rendait cette petite entreprise si attrayante.
Si "Dreams" n’était réussi que pour moitié, "Rules" l’est totalement, notamment grâce à l’arrivée de Daniel Nentwig qui apporte un peu de fantaisie (claviers Crumar et Rhodes à l’appui) et étoffe l’instrumentation jusque-là un peu trop squelettique pour recueillir l’adhésion massive. Flirtant sans cesse avec une house minimale baléarique et discoïde si chère aux électroniciens Isolée ou Morgan Geist (dont le groupe reprend sur scène le "24 K"), la musique de The Whitest Boy Alive s’avère jouissive même après une dizaine d’écoutes. Cette dance-pop rêveuse jouée de la manière la plus organique qui soit (ici, pas la moindre boîte à rythmes n’est à déclarer, seuls sont utilisés de véritables instruments), est portée par des mélodies accrocheuses et par une rythmique des plus imparable (basse disco omniprésente, guitare funky, piano électrique Rhodes enjôleur). Du chaloupé "Intentions" à l’euphorique "1517" (et ses réminiscences daft-punkiennes), les tubes s’enchaînent sans temps mort ; le songwriting demeurant de bout en bout redoutablement efficace.
Une hystérie fortement contagieuse entoure le groupe et ses shows depuis quelques années, ce nouvel album n’étant qu’un prétexte pour parcourir les salles de concert du monde entier et, par la même, communier avec un public de plus en plus nombreux. Dans le monde inversé de la culture pop moderne où le mainstream s’approprie sans vergogne l’underground et la branchitude, il se pourrait bien que la confrérie des losers s’agrandisse chaque jour un peu plus. Et les quatre visages pâles de Whitest Boy Alive y seront forcément pour quelque chose.
Remi Mistry
Keep a Secret
Intentions
Courage
Timebomb
Rollercoaster Ride
High on the Heels
1517
Gravity
Promise Less or Do More
Dead End
Island