SILVAIN VANOT
Apparu en 1993 avec un premier album sec et puissant, où transparaissait son amour des belles guitares comme celui de belles lettres, Silvain Vanot a poursuivi jusqu’en 2002 un parcours remarquable, consacré par la critique et ses pairs (Murat notamment) mais malheureusement ignoré par le grand public. Après sept années passées à mener à bien d’autres projets musicaux, le voici de retour avec un nouvel album de toute beauté, « Bethesda », rempli de textes ciselés et de mélodies déchirantes. L’occasion d’une longue conversation avec un musicien qui n’a jamais voulu vraiment choisir entre rock et chanson.
« Bethesda » est ton premier album depuis 2002, cependant tu as continué à faire de la musique durant cette période : collaboration avec Mareva Galanter, B.O. de films comme « Violence des échanges en milieu tempéré »…
Mareva, ça a dû arriver à peu près à mi-parcours de ce que vous, les professionnels, appelez « mon hiatus » (sourire). Quand j’ai annoncé à ma maison de disques que je voulais arrêter de chanter, parce que j’en avais assez du rythme qui s’était installé, je souhaitais d’abord me consacrer à la musique de films, ce que j’ai fait. Et puis l’envie de faire des chansons est revenue petit à petit. J’en ai écrit pour d’autres, ce qui m’a prouvé que j’aimais encore ça et que j’en étais toujours capable. Finalement, je me suis retrouvé avec une quinzaine ou une vingtaine de chansons, en me demandant ce que j’allais en faire. J’ai alors reçu une proposition de Stéphane, du label Mégaphone, pour enregistrer un album.
Ça ne te faisait pas peur, de ne plus avoir une grosse maison de disques derrière toi ?
Si j’avais été le seul à me retrouver dans cette situation, ça m’aurait fait peur, mais vu qu’on était de plus en plus nombreux à travailler sans maison de disques, je ne me suis pas posé la question cent sept ans. Et puis j’avais quand même le soutien d’un label, certes loin d’être une major, mais qui m’a suivi et m’a permis de travailler dans de bonnes conditions. A côté de ça, j’ai aussi pu faire de la musique seul chez moi, en montant ma petite boîte de production et en achetant du matériel avec l’argent des musiques de films et des travaux d’illustration sonore que j’ai faits.
Ce qui a pris du temps, ça a été de sortir le disque, de trouver un distributeur dans un contexte difficile. Après, je n’étais pas non plus très pressé, je voulais vraiment prendre du champ. Pendant deux ou trois ans, je n’ai même pas écrit de chansons, ce n’était pas à l’ordre du jour.
Peux-tu nous présenter les musiciens qui jouent sur « Bethesda » ? Celui que je connais le mieux, c’est John Greaves…
John est un musicien gallois qui a commencé dans les années 70 comme bassiste avec Henry Cow et qui vit en France depuis une vingtaine d’années. Il a joué avec beaucoup de gens, comme Carla Bley, et mène parallèlement une carrière solo. A ma connaissance, c’est le seul musicien qui a joué à la fois (mais pas en même temps) avec Robert Wyatt et avec Link Wray, même si ce n’était que pour un soir ! J’ai d’ailleurs fini par trouver l’enregistrement. En fait, nous sommes voisins à Paris et nous nous croisons de temps en temps, mais c’est au festival Rochefort en accords où nous étions tous deux invités que nous avons vraiment sympathisé. Une relation assez forte est née, puisque je joue avec lui et qu’il joue avec moi.
Renaud Gabriel Pion, souffleur de son état, je l’avais rencontré lors d’un enregistrement à Radio France, il accompagnait alors le guitariste Titi Robin. On avait parlé, on s’était bien entendus. Là aussi, on s’est revus à Rochefort, c’est un peu le hasard. Outre Titi Robin, Renaud a joué entre autres avec Hector Zazou et Costello, je ne doutais donc pas de son ouverture d’esprit et de sa musicalité… Je ne voulais pas refaire un disque avec deux guitaristes et je souhaitais qu’il y ait un soliste sur certaines parties. En plus, hormis sur les morceaux avec des arrangements d’orchestre, je n’avais pas tellement utilisé les instruments à vent jusque-là. Le choix s’est donc imposé.
Enfin, Ian Templeton, rebaptisé Tempo, est le batteur de Shack (groupe formé par les frères Head après les Pale Fountains, ndlr). Il a remplacé celui qui devait initialement participer aux séances, qui a eu un empêchement. Comme on enregistrait au Pays de Galles et qu’il est anglais, qu’en plus Stéphane le connaissait, je me suis dit que ça pouvait coller. Ca me plaisait de travailler avec un batteur anglais, le côté Liverpool… En même temps, lui aussi est un musicien très ouvert, on ne s’est pas retrouvé à faire du Ringo Starr.
Entre vous, une alchimie particulière s’est produite ?
Oui, on venait tous d’horizons très différents et pourtant, au bout de deux minutes, on formait un véritable groupe. Musicalement, on s’est très bien entendus. L’enregistrement a été un moment extrêmement agréable, avec des techniciens de Liverpool à l’humour assez typique… (rires) Une vraie bande de gamins, quoi !
Il y a encore un autre musicien qui joue sur « Bethesda » même s’il a enregistré séparément, BJ Cole.
Encore quelqu’un que j’ai rencontré à Rochefort, même si je le connaissais avant. C’est l’un des rares maîtres européens de la pedal steel guitar, un instrument que j’adore. Mais son maître à lui, c’est Olivier Messiaen ! Il habite la banlieue nord de Londres et on a enregistré ses parties chez lui, il préférait. C’est donc un disque placé sous le signe de la Grande-Bretagne, un pays où je réalisais pour la première fois un album entier.