TURZI – B
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Prendre le parti d’intituler chacun de ses albums par une lettre de l’alphabet, et sortir son premier album en le titrant "A", sous-entend relever le challenge d’en composer 25 autres. Fort de mon surnaturel pouvoir de déduction, j’étais donc assez peu surpris de voir ce nouvel album de Turzi simplement intitulé "B". Pas surpris, mais heureux de sa sortie, le premier album du groupe ayant très longtemps tourné sur ma platine, me séduisant par un subtil mélange d’électro et de dérapages Krautrock, opéré tout en finesse. Penchons-nous sur le cas "B". Après plusieurs écoutes attentives, avec ou sans casque, de jour, de nuit, à pied, à cheval ou en voiture, je ne peux que me résoudre à une sombre évidence : ce nouvel opus ne tient pas toutes ses promesses.
Romain Turzi a fait le choix pour "B" d’allier les sonorités électroniques, toujours présentes pour mon plus grand bonheur, à de grandes giclées de guitares électriques. Si ça marche par endroits ("Baltimore", avec la participation de Bobby Gillespie au chant), certains morceaux sonnent vraiment comme des morceaux de Yes ou de Vanilla Fudge remixés : l’introduction de "Beijing" rappelle vraiment celle de "Stonehenge" par Spinal Tap ce qui, si on dépasse le second degré comique du film, n’est pas très valorisant. De la même manière, "Bombay" sonne par instants franchement lourdaud, et "Bethlehem" nous plonge dans une ambiance entre psychédélisme et messe noire un brin maladroite. L’inconvénient du disque tient au fait qu’il se trouve le cul entre deux chaises : la balance entre les styles est parfois déséquilibrée. C’est finalement dans les titres les plus ouvertement électroniques que la formule fonctionne toujours : "Buenos Aires" ou "Brasilia", magnifiques comme du Kevin Saunderson, ou encore le très beau "Bogota", répétitif et entêtant, rappelant les grandes heures de la musique répétitive. Ce type de morceaux place Turzi dans la même lignée que celle de Zombie Zombie, des esthètes à la recherche d’une solution pour innover en prenant appui sur la tradition des chercheurs sonores, de François de Roubaix à Can en passant par les Silver Apples. Mais le mariage des genres peut, s’il n’est pas maîtrisé, donner lieu à des liaisons dangereuses, voire fatales. Le changement stylistique est en soi plutôt sain, mais l’hybridation des styles peut donner parfois naissance à des sous-genres un peu bancals. Romain, il te reste 24 albums pour rectifier le tir, on y croit !
Frédéric Antona
A lire également, sur Turzi :
la chronique de « A » (2007)
l’interview (2007)
Beijing
Buenos Aires
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Bethlehem
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Baden Baden
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Bamako