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Concerts

Peter Walsh – Paris, l’Européen, 11/11/2009

PETER WALSH, 49 SWIMMING POOLS – Paris, L’Européen, 11/11/2009

Peter Walsh - The Apartments

Depuis combien de temps n’avait-on pas attendu un concert avec une telle fébrilité, une telle excitation, une telle crainte, aussi – que ce moment ne soit pas tout à fait à la hauteur de nos attentes ? Depuis quinze ans, sans doute, et c’était déjà pour le même homme : Peter Walsh, l’ange noir des Apartments. Après la sortie de son dernier album en date, "Apart", en 1997, le songwriter semblait avoir totalement disparu, ce qui n’étonnait pas vraiment, la "carrière" en forme de dérive ("drift") de son "groupe" étant depuis toujours trouée de longues éclipses. Et puis, en 2007, The Apartments réapparaissaient sur MySpace et sur quelques scènes australiennes. On n’osait rêver de concerts en France, peut-être le seul pays à avoir fait quelque cas de Walsh et de sa musique. C’était sans compter l’acharnement du journaliste et musicien Emmanuel Tellier qui, apprenant que son vieil ami devait passer quelques jours à Londres, réussit à le convaincre de faire un petit détour par chez nous. Les échos du premier concert (à Chinon, la veille de celui de Paris) étaient plus que rassurants ; la soirée promettait d’être inoubliable.

Comme à Chinon et à Clermont-Ferrand le lendemain, c’est le groupe d’Emmanuel Tellier, 49 Swimming Pools, qui assure la première partie. Un trio complice où le clavier (Tellier) fait jeu égal avec la guitare (Etienne Dutin) et même l’accordéon sur certains morceaux (le jovial Fabien Tessier, également à la batterie). On reconnaît les éternelles inclinations pop du maître de maison, mais elles semblent ici mieux digérées qu’à l’époque de Chelsea, son premier groupe. Accompagnées par des projections d’images fixes (personnes, chevaux, paysages…), les chansons (toutes en anglais), douces et nostalgiques, charment par leur modestie, comme autant d’hommages de fans aux musiciens qui ont inspiré le trio – dont Peter Walsh, bien sûr –, sans pour autant tomber dans le piège de l’imitation. Sans être tétanisés par l’enjeu, les musiciens sont visiblement émus de partager avec le public une soirée qui restera forcément gravée dans les mémoires. Une jolie entrée en matière.

Peter Walsh - The Apartments

Un changement de plateau relativement rapide (le matériel est déjà installé) nous évite l’hypertension. On est juste dans l’état d’une personne qui reverrait l’un des ses meilleurs amis après quinze ans de séparation quand Peter Walsh monte sur scène, accompagné d’Eliot Fish (bassiste sur "Drift" et lors des concerts de novembre 1994 en France, ce soir à la guitare électrique). Les deux, assis, sont d’une élégante sobriété ; avec ses Ray-Ban (qu’il ne quittera pas de tout le concert), son costume-cravate vintage et ses boutons de manchettes, Peter semble tout droit sorti de la série "Mad Men". Démarrage en douceur avec "World of Liars", puis "All You Wanted", un single de 1984 ici réduit à l’essentiel. "All His Stupid Friends", avec Fabien Tessier au clavier, est le premier sommet du concert… même si Eliot a oublié de faire les chœurs, nous apprend Peter. Suivront des morceaux tirés des quatre albums des Apartments, enrichis de subtiles touches de clavier et/ou de trompette, et même parfois de tambourin (Nick Allum, batteur sur les concerts de 94, a fait le déplacement de Londres, simplement parce qu’il aime jouer de bonnes chansons, nous dira-t-il après le concert).

Par moments, l’intensité que met Walsh dans son interprétation a quelque chose de cathartique, voire d’effrayant. Il ne se contente pas de jouer ses chansons, il les vit, au plus profond de son être, nous les jette en pâture. Il en remodèle les lignes mélodiques, semble les réinventer au fur et à mesure, jusqu’à la rupture parfois – des fins en crescendos presque suffocants. C’est bouleversant (le mot n’est pas trop fort), en même temps, incroyable de maîtrise, de justesse, d’intelligence musicale. L’enchaînement "The Goodbye Train"/"Mr Somewhere" (peut-être ses deux chefs-d’œuvre) est magistral : à la violence sourde de la première semble répondre comme un baume l’apaisement de la seconde. Apaisement trompeur parce qu’"il n’y a pas de sanctuaire" ("What’s Left of Your Nerve"), nulle part, et Walsh a suffisamment vécu pour le savoir. Cet homme dit de lui-même qu’il est la nuit, et pourtant on pense à cet aphorisme de René Char : "La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil". Encore deux morceaux, Peter et Eliot quittent la scène sous une standing ovation avant que le premier ne revienne pour clôturer le concert par un morceau inédit, "Twenty One" – quelque chose comme la chanson la plus belle et la plus triste du monde. Et puis le silence.

Même si cela ôterait à ce moment son caractère unique, on n’a qu’une envie : que le miracle se reproduise vite. Espérons que les commentaires souvent très émouvants postés ici et là par d’autres fans présents aux concerts inciteront Peter Walsh à nous rendre de nouveau visite, tel le soir… qui reste pour des années.

Vincent Arquillière
Photos Guillaume Sautereau
Un grand merci à Emmanuel Tellier.

Une petite vidéo par ici.

World of Liars
All You Wanted
All His Stupid Friends
Thank You For Making Me Beg
Knowing You Were Loved
The Great Fool
Everything is Given To Be Taken Away
Things You’ll Keep
On Every Corner
The Failure of Love
The Goodbye Train
Mr. Somewhere
Not Every Clown
Sunset Hotel
Twenty-One

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