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Disques

Richard Hawley – Truelove’s Gutter

RICHARD HAWLEY – Truelove’s Gutter
(Mute / EMI) [site] – acheter ce disque

RICHARD HAWLEY - Truelove's GutterSi, en France, l’Anglais Richard Hawley ne jouit guère que d’un succès d’estime, il en va tout autrement outre-Manche, où son cinquième album sorti il y a deux ans, "Lady’s Bridge", s’est classé dans le Top 10. Le chanteur de Sheffield (ex-Longpigs, ex-guitariste honoraire de Pulp) aurait pu essayer de retrouver cette bonne fortune en livrant une copie carbone de son disque précédent, porté par quelques morceaux accrocheurs comme "Tonight the Streets Are Ours" ou "I’m Looking for Someone to Find Me". Or, pas vraiment. Certes, avec "Truelove’s Gutter", Hawley n’a pas changé son fusil d’épaule. Il affiche toujours sur la pochette (magnifique) un look vaguement rockab’, et sa musique repose sur des fondamentaux immuables : un son qui lorgne vers le passé sans chercher à faire rétro, des textes d’un romantisme sombre portés par une voix de crooner qui connaît peu de concurrents à l’heure actuelle.

Il apparaît néanmoins, après quelques écoutes, que "Truelove’s Gutter" marque une nouvelle étape dans sa carrière – ou son développement artistique -, et qu’il s’agit sans doute de son oeuvre la plus personnelle, la plus ample et la plus profonde. Si Hawley ne s’est jamais vraiment nourri de l’air du temps, ce nouvel album le montre encore plus (volontairement) largué. Les tempos sont invariablement lents, deux morceaux taquinent les dix minutes, et la première chanson commence par une sorte de drone de 80 secondes : franchement, on a connu plus radio-friendly. Seul "Open Up Your Door", avec ses arrangements orchestraux qui – nous a-t-il semblé – se permettent sur la fin de citer John Barry ("You Only Live Twice"), échappe à cette cure d’amaigrissement, cette quête de l’essentiel.

"Truelove’s Gutter" offre une sorte de minimalisme luxueux, aux détails très travaillés mais à peine perceptibles, tel qu’entendu dans quelques-unes des propositions musicales les plus passionnantes du moment (Antony & the Johnsons, The XX, The Antlers…). L’utilisation d’instruments rares (ondes Martenot, scie musicale, cristal Baschet, glass harmonia, waterphone…), qu’on entend plutôt dans le répertoire contemporain et dont certains nous étaient d’ailleurs totalement inconnus, apporte à la musique une qualité presque spectrale, et certains morceaux semblent émerger des limbes pour s’y enfoncer de nouveau quelques minutes plus tard. Il faut dépasser la première impression de statisme et de relative monotonie pour goûter pleinement les effets de cette esthétique du "less is more", qui met les émotions à nu tout en les tenant à distance. On découvrira alors une oeuvre qui frôle dans ses plus beaux moments la grâce funambule et poignante de Chet Baker, Scott Walker, Mark Hollis ou Johnny Cash sur ses ultimes albums. Quitte à heurter sa modestie, on peut affirmer que Richard Hawley est de cette trempe.

Vincent Arquillière

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A lire également, sur Richard Hawley :
la chronique de « Lady’s Bridge » (2007)
la chronique de « Coles Corner » (2005)
l’interview (2003)
la chronique de « Lowedges » (2003)
la chronique de « Late Night Final » (2001)

As the Dawn Breaks
Open Up Your Door
Ashes on the Fire
Remorse Code
Don’t Get Hung Up In Your Soul
Soldier On
For Your Lover Give Some Time
Don’t You Cry

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