KILL THE VULTURES
Ça faisait un moment que nous leur tournions autour à l’affût de leurs disques de hip-hop claustrophobe. Et voilà que nous nous sommes décidés à leur poser quelques questions à l’occasion de la sortie de "Ecce Beast", leur nouvelle livraison discographique, malheureusement pas distribuée en France. Contactés par mail, Crescent Moon et DJ Anatomy nous parlent de leur musique et de la scène de Minneapolis dont ils sont originaires. Deux cerveaux en ébullition au service d’un rap en surchauffe mâtinée de jazz crasseux, de percussions lourdes, d’effluves de flamenco et de musique indienne. La rencontre bâtarde de Gil Scott-Heron, de Mingus et de l’acide. Classe !
Pourriez-vous rapidement nous présenter le groupe depuis ses origines ?
Alexei Casselle (Crescent Moon): CMI (Cases of Mistaken Identity) est le premier groupe auquel nous avons tous participé, je pense. C’était un collectif de MC’s, DJ’s, break-dancers et de graffers qui s’est constitué vers 1996 et qui a compté une vingtaine de membres. Oddjobs était un groupe de quatre personnes (à l’origine) issues de CMI dont DJ Anatomy (Stephen Lewis), DJ Deeltalx (Devon Callahan), MC Advizer (Adam Waytz) et moi-même MC Crescent Moon (Alexei Casselle). Avec l’arrivée ensuite de MC Nomi (Mario DeMira).
Actuellement, qui est membre de Kill The Vultures ?
AC : Kill the Vultures est toujours un groupe de quatre personnes mais depuis le premier album, c’est principalement Anatomy et moi qui faisons les disques.
Il semble qu’une large part de la scène rap underground a évolué vers d’autres genres musicaux (rock, jazz, folk…), et Oddjobs en était un parfait exemple avec des groupes comme Kill the Vultures, Power Struggle, et même Roma Di Luna, qui sont apparus juste après votre split. Même le nouvel Eyedea and Abilities sonne vraiment rock. Est-ce que vous pensez que le hip-hop est arrivé à un cul-de-sac ?
AC : Non, je ne pense pas que nous arrivons à la fin du hip-hop. C’est tout simplement un processus naturel qui nous amène à évoluer vers de nouvelles formes d’identité, et la définition de ce qu’est le "vrai hip-hop" change en permanence. Par exemple, c’est aussi pour cette raison que l’on n’est jamais sûrs de bien savoir ce qui différencie le rap mainstream du rap underground. Le hip-hop est encore tellement jeune que les frontières vont continuer à être floues, qu’elles vont se détruire et se reconstruire encore. Seul l’avenir nous dira de quoi il en était vraiment.
SL : Je ne pense pas que nous soyons arrivés à la fin du hip-hop. Il y a toujours des tas de bons artistes hip-hop qui vont faire de la musique de club. Pendant ce temps, il y a aussi du hip-hop expérimental qui continue, comme nous l’avons fait, de fusionner avec d’autres genres et d’aboutir à des formes moins "pures" de hip-hop.
Que pensez-vous de l’état actuel de la scène rap du Midwest ? Est-elle toujours vivante ? Continue-t-elle à générer des artistes nouveaux et intéressants ou est-ce que ses acteurs majeurs sont grosso modo les mêmes qu’il y a 10 ans ?
AC : Et bien, honnêtement je ne suis pas trop en contact avec la scène rap du Midwest. Je suis assez au courant de ce qui se passe dans les villes jumelles (Minneapolis et St. Paul) et il y a certainement bon nombre de gens qui font du rap. Je ne sais pas trop ce que je pourrais dire de la scène rap elle-même parce que je m’en suis un peu éloigné, dans l’ensemble, depuis ces cinq dernières années. Je dirais qu’il y a un manque de salles disponibles pour les mineurs (les gens âgés de moins de 21 ans), alors que c’est ce qui devrait permettre à une scène musicale de rester fraîche et dynamique. On a toujours besoin d’une nouvelle fournée de nouveaux artistes.
Tous les artistes et groupes de hip-hop importants d’aujourd’hui ont fait d’énormes progrès depuis plusieurs années, partant des scènes locales assez obscures et inconnues, pour se faire un public régional, national et international.
SL : J’ajouterais que les artistes importants sont Kanye West, Eminem, Lupe Fiasco et Atmosphere. Il n’y a pas tant de nouveaux groupes du Midwest qui explosent.
De quels artistes vous sentez-vous particulièrement proches ?
AC : Il y a pas mal de gens avec qui nous sommes amis, avec qui nous jouons et que nous admirons, mais honnêtement je ne peux pas dire que nous nous retrouvions parfaitement dans tous ces groupes ou artistes. Il semble qu’il y ait un regain de musique expérimentale dans les villes jumelles, et en particulier un regain basé sur le rap, ou fusionnant avec le rap d’une certaine manière. Pour en nommer quelques-uns : Eyedea & Abilities, P.O.S/Doomtree, Kristoff Krane/Abzorbr, No Bird Sing/Hyder Ali, Junkyard Empire…
SL : J’ai pas mal de connaissances dans la scène musicale mais peu sont vraiment des proches. Je ne veux pas en désigner une en particulier. Il n’y a aucun groupe avec qui je me sens artistiquement connecté.
Dans votre musique vous utilisez beaucoup de samples de jazz et de rythmes lourds. Même si les deux premiers albums sonnaient de manière punk et abrasive, "Ecce Beast" est plus doux. Comment expliquez vous ce virage, par le Ep "Midnight Pine" ?
SL : Je vis la nuit. Cela explique que je passe beaucoup de temps seul et au calme, ce qui a rendu ma musique plus méditative et nocturne. "Midnight Pine" en est le reflet.