MICAH P. HINSON – Paris, Le Café De La Danse, 17/09/2009
La troisième soirée "Eldorado Music Club" au Café de la Danse est texane, s’ouvrant par la prestation de la sage Bosque Brown. La nouvelle protégée de Fargo, repérée sur la compilation "Even Cowgirls Get The Blues" fige l’attention de la salle pas encore complètement remplie par sa voix haut perchée et ses ballades de guitare réverbérée. Le problème c’est qu’elle enchaîne des titres plus lunaires les uns que les autres et que ce qui n’était pas désagréable au début finit par devenir lassant. Si seulement elle pouvait lever la tête ou gratouiller un peu plus nerveusement sa six-cordes. Mais non, elle reste là assise, sérieuse, concentrée, flanquée d’un musicien qui joue de la pedal steel avec flegme. Les conversations reprennent, les portables sont consultés dans le noir. Désolé Bosque, l’ennuie nous gagne.
Il est 21h passées quand son compatriote Micah P. Hinson fait son apparition sur scène avec guitare, chapeau jazz et sac à dos. Il a l’air de descendre d’un avion ou d’être perdu dans un hall de gare. Il y a quelque chose de comique dans son accoutrement qui le rend d’emblée sympathique. Le côté binoclard destroy mélange de Woody Allen et d’Elvis Costello. Ce soir, il sera seul sur scène pour défendre son album de reprises "All Dressed Up and Smelling of Strangers". Exercice périlleux dont il s’acquitte avec classe. Son timbre rocailleux fait passer une émotion poignante, son jeu de guitare simple mais tout en nuance aussi. Il fait vibrer la salle par ses ballades folks romantiques dont le point culminant est la reprise personnelle de "Suzanne" de Leonard Cohen. Moment de grâce pas gagné d’avance. A travers lui, ce sont les fantômes d’Elvis Presley, de Roy Orbison, de John Denver qui défilent. Filiation prestigieuse, directe, évidente. Micah pioche aussi dans son répertoire, pas forcément les chansons les plus connues.
Ça vire un peu à l’anti-folk avec quelques passages savamment déstructurés ou faussement expédiés. Mais le père Hinson maîtrise son affaire avec charisme et humour, ce qui achève de rendre ce grand timide impudique encore plus sympa. Pendant le set, il parlera d’Ashley, sa femme, dégainera une fausse cigarette (substitut nicotinique improbable), remerciera longuement et humblement un public qui n’en demandait pas tant et, enfin, terminera par une chanson touchante en l’honneur des relations pacifiées avec son père. Bref, un concert juste sans grandiloquence ni guimauve. Du grand art.
Luc Taramini
Photos par Guillaume Sautereau
A lire également, sur Micah P. Hinson :
la chronique de « And The Red Empire Orchestra » (2008)
l’interview (2008)
la chronique de « And the Gospel of Progress » (2005)