GOSSIP – Music For Men
(Columbia / Sony BMG) [site] – acheter ce disque
L’objectif du nouvel album de Gossip était, pour le groupe emmené par Beth Ditto, de confirmer le succès foudroyant de "Standing in the Way of Control". On ne sait d’ailleurs pas vraiment dans quelles proportions le charisme de la chanteuse a joué dans la réussite du disque, tant elle a joui d’un statut de superstar, porte-parole des obèses, lesbiennes et féministes. Et comme en plus le groupe s’est lancé dans une tournée éreintante, c’est presqu’une surprise de retrouver déjà un nouvel album de Gossip. Au passage, aux galères initiales ("Standing in the Way of Control" était déjà le troisième opus du groupe, et le premier à faire parler de lui) a succédé le passage sur une major, sans doute bien heureuse de récupérer un tel phénomène.
Car, il faut bien être franc, derrière le vernis des étiquettes NME, il y a un groupe, et il est plutôt limité. Sur le précédent disque, de très forts titres ont su cacher une forêt pas forcément passionnante, mais l’énergie déployée par le trio donnait le change. Mais là… Pourtant, en allant débaucher le barbu Rick Rubin pour produire le disque, Beth et ses copains ne visaient pas spécialement la légèreté (à quelques exceptions, notre ami producteur a souvent donné dans le lourd). Mais étrangement, c’est à un disque essouflé qu’on a affaire. Le pataud "Dimestore Diamond" donne tristement le "la" avec son beat martelé, qui se voudrait bien puissant mais se révèle juste pesant, et insinuant une première once de doute. Bon, suit "Heavy Cross", premier extrait donné en pâture aux internautes sur MySpace qui doit sans doute remonter le niveau, mais en fait, le titre ne décolle jamais vraiment. On reste un peu sur sa faim, sur cette construction qui est censée amener un refrain explosif, mais qui ne tient pas vraiment ses promesses, malgré cette guitare tranchante et les efforts vocaux de Beth, qui se démène sans trop de résultats. Le résultat n’est même pas désagréable, juste qu’il reste en dessous de ce qu’on peut attendre d’un single de Gossip. Les titres plus rock ("8th Wonder", "Vertical Rhythm") exhibent cruellement le niveau médiocre du groupe de Beth, qui se retrouve engluée dans des attaques de guitare sans trop de discernement, et ce malgré la toujours puissante voix de la chanteuse. A quoi se raccrocher ? Aux aspirations disco / 80’s du groupe ? Pourquoi pas : "Love Long Distance" ou les très racoleurs "Pop Goes the World" et "Men in Love" ne sont pas forcément désagréables pour qui se retrouverait sur un dancefloor, à la condition d’être réceptif à ces claviers parfois envahissants, ces rythmiques aux guitares discoïdes, rendant les titres seyants comme un costume de Travolta il y a 30 ans. Si "For Keeps" laisse apparaître un espoir, il faut se rendre à l’évidence : Gossip a perdu de son tranchant, de cette révolte qui permettait à "Standing in the Way of Control" de déclencher les pogos en concert. Rien de tel ici, "2012" sonne comme du disco-punk de salon, "Love and Let Love" n’a pas les moyens de ses ambitions (visées Talking Heads ratées), le 100% synthétique "Four Letter Word" est un peu trop léger pour relancer la machine et "Spare Me From the Mold" tente de démentir tout ce que j’ai dit avant : punk, frontal, mais rien de bien neuf sous le soleil (sauf la trompette ? Mmmh). Alors, est-ce le passage sur une major qui a limé les dents du pitbull Beth Ditto et de ses acolytes ? L’explication est sûrement un peu facile. En tout cas, le changement s’est traduit par un échec, pas forcément cuisant, mais qui vient montrer les limites de Gossip. Bien dommage tout ça !
Mickaël Choisi
Dimestore Diamond
Heavy Cross
8th Wonder
Love Long Distance
Pop Goes the World
Vertical Rhythm
Men in Love
For Keeps
2012
Love and Let Love
Four Letter Word
Spare Me from the Mold