SONIC YOUTH – The Eternal
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Seizième album pour les New-Yorkais, et voilà que la jeunesse sonique se croit éternelle… Pour tout dire, j’ai bien du mal à m’enthousiasmer pour "The Eternal", qui n’est sans doute pas l’album qui les fera passer à la postérité. De toute façon, ils sont déjà bien sûrs d’y arriver, et ce n’est pas cette idée qui doit les obséder outre mesure – Sonic Youth reste concentré sur la musique, empruntant même le visuel de leur album au guitariste John Fahey, disparu en 2001.
Autant les récents albums du groupe, sans être transcendants, manifestaient une personnalité individuelle, autant "The Eternal" semble recycler l’ensemble du vocabulaire sonicyouthien sans la moindre digestion préalable, si bien que l’on est assez souvent au bord de l’impression d’auto-plagiat ; ils ont beau multiplier les pistes de guitares (comme sur ce "Anti-Orgasm" où l’on peut bien en compter six), chacune est identifiable aisément à l’aune d’un titre plus ou moins ancien : mêmes sons, mêmes arpèges, mêmes flux tendus, mêmes accélérations. Pour ce qui est des autres instruments, c’est à peu près la même chose, et en premier lieu les voix : Kim confirme son goût pour le punk martial, et chante sur des rythmes martelés entendus vingt fois ; Thurston, comme à son habitude, est plus lancinant et pop, mais ne renouvelle pas ses mélodies vocales – ce n’était déjà pas là qu’il était le meilleur. Lee s’en tire mieux sur "Walkin Blue", en sortant un peu des clous et en risquant des ornements. Dans l’ensemble, c’est rock, concis, pêchu, hargneux – aussi dans les paroles, plutôt abrasives – mais ça ne dépasse quasiment jamais les horizons habituels du groupe. Prenons le pourtant efficace "Malibu Gas Station" : les vingt premières secondes semblent tout droit tirées de "Diamond Sea" (sur "Washing Machine") puis le morceau enchaîne sur un riff qui évoque avec insistance le "Sunday" de "A Thousand Leaves". Déroutant.
C’est seulement sur la fin que l’album prend un peu de consistance, en sortant subtilement des sentiers battus et en expérimentant à petites doses ("Massage the History", le chant éthéré de Kim – presque dix minutes de trip), alors que les premiers titres faisaient dans le manifeste pour la concision punk – depuis les deux minutes de l’ouverture "Sacred Trickster" jusqu’à l’hommage au chant punk rock des Germs "Thunderclap for Bobby Pyn".
Avec un peu de mauvaise foi, je pourrais présenter "The Eternal" comme une synthèse élégante de l’oeuvre de Sonic Youth, et comme une introduction idéale pour les novices. Les compos ne sont pas mauvaises en soi, et on se serait même très bien satisfaits de la plupart des titres. Mais il manque ici un "Winner’s Blues", un "Kool Thing" ou un "No Queen Blues", un de ces morceaux qui pimentaient les bons albums, et qui leur conféraient leur panache.
David Dufeu
A lire également, sur Sonic Youth :
la chronique de « Andre Sider Af Sonic Youth » (2008)
la chronique de « NYC Ghosts & Flowers » (2000)
Sacred Trickster
Anti-Orgasm
Leaky Lifeboat (for Gregory Corso)
Antenna
What We Know
Calming the Snake
Poison Arrow
Malibu Gas Station
Thunderclap for Bobby Pyn
No Way
Walkin Blue
Massage the History