DEAR READER – Replace Why With Funny
(Cooperative Music / PIAS) [site] – acheter ce disque
Présenté comme l’énième nouvelle sensation indie, Dear Reader est un groupe sud-africain originaire de Johannesburg. Voici l’histoire : il y a quelques années, Darryl entend une jeune femme chanter quelques-unes de ses chansons et la harcèle pendant près d’une année jusqu’à ce qu’elle décide de se consacrer à plein temps à la musique. Elle s’appelle Cherilyn MacNeil et, en 2006, le duo enregistre un album dans le petit studio de Darryl, sous le nom de Harris Tweed. "The Younger" fait assez parler de lui pour que le groupe fasse la première partie de Jose Gonzales en Afrique du Sud et soit invité au fameux showcase d’Austin, SxSw. Une histoire de copyright avec l’Harris Tweed Authority en Ecosse l’oblige cependant à changer de nom, et, par conséquent, à se refaire presque de A à Z une réputation. Début 2008, Darryl et proposent à Brent Knopf, membre de Menomena, de produire la première sortie officielle de Dear Reader. Il accepta et s’enferma durant deux semaines et demi dans un studio sud-africain pour fignoler ce merveilleux "Replace This With Funny", arrivé par chez nous il y a quelques semaines par les bonnes grâces de Cooperative Music et de PIAS.
Premier constat : la voix de la chanteuse Cherilyn rappelle parfois celle de Regina Spektor, cependant que les cris et les grincements de la New-Yorkaise laissent ici la place à une élocution plus claire, une prononciation plus légère et, globalement, une sorte de réserve dont les compositions profitent largement. Par exemple, sur "Bend", MacNeil parvient à dominer les débats en parvenant à n’étouffer en aucun cas la magnifique instrumentation de ce titre qui n’est qu’une des nombreuses facettes de cet album à priori quelque peu déroutant.
Suit "Out Out Out", dans laquelle MacNeil chante un blues comme pourrait le faire une extravagante tenancière de cabaret, suivant une lourde ligne de guitare et des percussions farfelues, à la manière des Beatles période Revolver/Sgt. Pepper. La particularité de ce disque est qu’il s’avère ouvertement simple, naïvement accessible, malgré la tonne de recyclages maisons, de choeurs proto-russes, de parties de piano à la Philip Glass, entre autres. Une approche véritablement risquée, tant elle se révèle à bien des moments à la limite de gâcher l’ensemble.
A la limite, entendons-nous bien, puisqu’au moment où l’on pressent un manque d’inspiration ou un essoufflement d’une quelconque nature, le duo prend en quelques secondes le contre-pied de sa propre chanson, la fait naviguer sur une autre mer, et réussit à aller encore plus loin à l’aune d’un meilleur vent. Au lieu de rajouter une couche d’instruments, d’accélérer le tempo, en somme, de rendre une composition de plus en plus épique pour dissimuler autant que faire se peut ses faiblesses, les musiciens optent pour une solution autrement plus convaincante : reprendre un minuscule thème à peine ébauché lors du précédent couplet, développer telle ouverture au violon au moment où la chanson semble en bout de course, transposer un pont précédemment joué au piano par une section de cordes, par exemple. Certes, il faut avouer rencontrer de temps à autres des éléments redondants après plus de quatre décades de musique pop, mais les chansons sont si agréables à écouter qu’on n’en fait bientôt plus aucun cas.
La composition phare de l’album est probablement "Great White Bear", que je ne peux m’empêcher d’écouter toute la journée depuis deux bonnes semaines. Tout, depuis l’introduction acoustique au texte un brin abracadabrant (l’histoire d’un garçon se cachant sous l’estomac d’un ours pour qu’on ne le retrouve pas) en passant par l’élégante partie de clavier s’avère proche du sans-faute. L’implacable crescendo final donne une telle impression de fraîcheur qu’il s’agit sans doute d’une des meilleurs minutes musicales que nous a pour le moment offert l’année 2009. Les divers éléments s’assemblent avec tant d’évidence qu’on oublie bien rapidement le caractère légèrement ridicule de ce texte assez puéril pour qu’un idiot s’en moque.
Soyons clairs : "Replace Why With Funny" ne deviendra ô combien jamais un classique et, par ailleurs, ne dispose pas de l’ampleur sonique de certaines productions récentes (pensons au dernier Animal Collective, aux nouveaux Phoenix ou Yeah Yeah Yeahs, pour ne citer qu’eux). Toutefois, si vous aimez les belles compositions, que vous avez un faible pour le charme désuet des ritournelles douces-amères, votre coeur mélomane devrait fondre en un instant.
Julian Flacelière
Way of the World
Deerheart
Great White Bear
Bend
Out Out Out
Release Me
Never Goes
The Same
What We Wanted
Everything is Caving