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The Decemberists – The Hazards of Love

THE DECEMBERISTS – The Hazards Of Love
(Capitol) [site] – acheter ce disque

THE DECEMBERISTS - The Hazards Of LoveOn savait que les Decemberists n’étaient pas un groupe de pop comme les autres. Ils avaient beau faire de jolis morceaux avec couplet, refrain et mélodies accrocheuses, leur héritage du rock progressif, et le goût de Colin Meloy pour les intrigues romanesques leur donnait une originalité qui interdisait de les réduire au rang de dernier groupe "sympa mais sans plus" du moment.

Dans "The Hazards of Love", ces deux tendances, l’influence du rock progressif et le goût pour la narration, se déploient pleinement pour donner naissance à un opéra rock à part entière. L’album nous donne à entendre l’histoire de deux amants, un homme faon incarné par Colin Meloy et une femme (Becky Stark, de Lavender Diamond), dont l’amour est rendu impossible par la reine de la forêt, mère possessive de l’homme faon (Shara Worden, de My Brightest Diamond). Comme on peut le constater, la trame est déjà assez originale, voire carrément saugrenue.

Une ouverture instrumentale aux accents tragiques, avec de lourds orgues et des violons mélancoliques, nous fait entrer dans cet univers théâtral, et nous laisse pressentir que l’histoire ne connaîtra pas de happy end. Après avoir été introduits à l’intrigue, on entre dans le vif du sujet. Les personnages chantent leur complainte amoureuse ("Won’t Want for Love/Margaret in the Taiga"), leur désir ("The Wanting Comes in Waves/Repaid") ou leur colère (Shara Worden en reine mère déchaînée). L’accompagnement musical de ces péripéties lorgne tantôt du côté du heavy métal ("The Queen’s Rebuke/The Crossing"), tantôt du côté de la folk, comme dans "The Hazards of Love 4 (The Drowned)", ou de la pop ("The Rake"). Dans l’ensemble, les compositions sont bien plus évolutives, plus construites et plus complexes que sur "The Crane Wife", des musiciens et choristes supplémentaires – dont Robyn Hitchcock et Jim James (My Morning Jacket) – ayant été appelés en renfort.

Avec tout ce beau monde, et avec les talents de narrateur de Colin Meloy, on pouvait s’attendre à un véritable chef-d’oeuvre. Seulement, la tâche était ardue, et en faisant un opéra rock en 2009, les Decemberists s’exposaient nécessairement au risque de verser dans le kitsch ou dans l’anachronisme. Et le fait est que "The Hazards of Love" ne déjoue pas toujours ces pièges. Non seulement l’intrigue ne vaut pas les belles tragédies à la Roméo et Juliette que l’on trouvait dans "The Crane Wife" ("O! Valencia!") ou dans "Picaresque" ("We Both Go Down Together"), mais en plus, les accents de heavy métal à la Led Zeppelin se marient mal avec la voix ample de Meloy. Loin de donner du relief aux rôles, le choix de personnalités musicales invitées pour les incarner ne fait que dénoncer la minceur des personnages. Aussi magnifique que soit son chant, on peine à ne pas sourire en s’imaginant Shara Worden en reine des forêts vengeresse. La construction de l’opéra est un peu bancale, et les premières écoutes laissent l’auditeur non seulement déconcerté, mais aussi sur sa faim. Voilà donc un album qui donne envie d’être réactionnaire : les Decemberists, c’était visiblement mieux quand ils faisaient de la pop toute simple.
Cela dit, quelques morceaux de bravoure ("The Wanting Comes in Waves/Repaid"), ou des titres plus classiques tels que "The Rake" et "Annan Water" finissent par ressortir, et font oublier la déception initiale. La répétition de certaines mélodies, l’apparition de refrains nous aident peu à peu à prendre nos marques dans ce labyrinthe baroque, à l’apprivoiser. On finit même par oublier les passages de métal théâtral à la Nightwish. Cet album nous laisse donc réactionnaires, mais rassurés aussi : certains moments de l’album, tout comme les quelques singles sortis cette année (dont "Sleepless", sur la compile "Dark Was the Night"), nous convainquent que les Decemberists ne se sont pas travestis définitivement en faons de la forêt.

Catherine Guesde

A lire également, sur The Decemberists :
la chronique de « The Crane Wife » (2007)
la chronique de « Picaresque » (2005)

Prelude
The Hazards of Love 1 (The Prettiest Whistles Won’t Wrestle the Thistles Undone)
A Bower Scene
Won’t Want for Love (Margaret in the Taiga)
The Hazards of Love 2 (Wager All)
The Queen’s Approach
Isn’t It a Lovely Night?
The Wanting Comes in Waves / Repaid
An Interlude
The Rake’s Song
The Abduction of Margaret
The Queen’s Rebuke / The Crossing
Annan Water
Margaret in Captivity
The Hazards of Love 3 (Revenge!)
The Wanting Comes in Waves (Reprise)
The Hazards of Love 4 (The Drowned)

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