BAT FOR LASHES – Two Suns
(Parlophone / Capitol) [site] – acheter ce disque
Avec "Fur & Gold", Natasha Khan et son groupe Bat For Lashes avaient fait une entrée fracassante dans le paysage musical. Le mélange malin et racé des influences de la jeune Anglaise avait donné un sacré bon disque, qui ne tenait certes pas toutes ses promesses, mais justement laissait à penser que l’avenir s’annonçait radieux pour la déguisée chanteuse. Alors, c’est dans un mélange d’appréhension et d’espoir que sort "Two Suns" : confirmation brillante ou violente chute ?
Je serais tenté de faire une réponse de Normand, à base de ni oui ni non. L’excellente nouvelle, c’est que la chrysalide Natasha Khan continue sa mue, sans suivre fidèlement la route qu’elle avait elle-même tracée. L’inaugural "Glass" pose pourtant quelques pierres déjà présentes sur le premier disque de Bat For Lashes : nappes synthétiques, percussions tribales et chant qui oscille entre lyrisme grandiloquent et quasi-murmure. Mais on sent la jeune Anglaise plus sûre d’elle, plus aventureuse : tout y est plus appuyé, plus revendiqué, et l’univers mieux défni. Si la forêt était le lieu que pouvait illustrer "Fur & Gold", il est plus question ici d’un désert aride, que les enluminures synthétiques ne tirent pas de l’obscurité. Si "Sleep Alone" revendique sa filiation avec "Trophy" (issu du premier disque), c’est pour mieux s’en écarter au profit d’un numéro d’équilibriste entre ce rythme dansant et toujours ces rythmes qui semblent écrits pour partir à la guerre.
Justement, il faut avoir un certain sens de l’équilibre pour dresser un pont entre la ballade vespérale au piano "Moon and Moon" et la pop synthétique de "Daniel". Ce lien se trouve dans cette ambiance un brin indéfinissable dans laquelle aime à se lover Natasha Khan : quand le calme est là, il y a toujours à l’horizon un nuage menaçant, et inversement, l’agressivité de certains rythmes est souvent désamorcée par les claviers ou par la voix. Ce cadre défini, l’Anglaise ne s’interdit pas de tenter de visiter diverses terres musicales : gospel lunaire ("Peace of Mind"), électro pop foisonnante et sombre à la fois ("Two Planets") ou ballade au piano à souffle épique ("Travelling Woman"). Bref, il est clair que Bat For Lashes a un univers trop riche pour être réduit à une simple dimension, et à varier ainsi, il y a forcément quelques titres maladroits ("Two Planets") ou même mauvais ("Pearl’s Dream" est assez pénible). Il serait donc facile de lui tomber sur le râble pour ces titres, mais si l’on regarde le verre, comment le voit-on ? A moitié plein ou à moitié vide ? J’opte pour la première vision, car "Two Suns" est de ces disques qui cachent en eux autant de charmes que d’ingrédients répulsifs. Oui, Natasha Khan en fait trop, dans certains gimmicks vocaux repris à Björk. Oui, la production du disque n’est pas de celle qui se fait oublier, jouant plutôt la carte de la grandiloquence. Et pourtant, il y a des trésors dans ce disque, dans les arrangements de "Big Sleep", la montée en puissance de "Siren Song" ou les premiers titres (la première partie du disque est d’ailleurs bien meilleure). C’est un disque courageux, que l’on peut aimer ou détester, et rien que pour cela, "Two Suns" mérite d’être écouté. Cela n’arrangera pas la côte de popularité de l’artiste et divisera sans doute la critique : pas sûr que Natasha Khan s’en soucie réellement. Je ne lui donnerais pas tort en tout cas.
Mickaël Choisi
A lire également, sur Bat for Lashes :
la chronique de « Fur and Gold » (2007)
Glass
Sleep Alone
Moon and Moon
Daniel
Peace of Mind
Siren Song
Pearl’s Dream
Good Love
Two Planets
Travelling Woman
Big Sleep