YEAH YEAH YEAHS – It’s Blitz!
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Single atomique. Production à décoller le papier peint. Chant décomplexé. Voilà ce qu’on peut lire un peu partout dans la presse anglo-saxonne, qui compare déjà "It’s Blitz" à un Joy Division version disco, ou encore à un croisement entre le dernier Muse et Daft Punk, cette dernière comparaison étant largement suffisante pour s’empresser de rebrousser chemin. A l’image de The Knife, la bande à Karen O semble tenter le pari suivant : ramener les hipsters sur le dancefloor à coups de beats hyperpuissants, de basses gonflées à bloc et de refrains catchy en diable. Le plus étonnant est que cela marche à la perfection et qu’avec "Zero" et "Heads Will Roll", les Yeah Yeah Yeahs ont toutes les chances de foutre la pagaille dans pas mal de nightclubs branchés. Si l’on s’en tient à cette paire, rafraîchissante mais franchement lassante au bout d’une dizaine d’écoutes, "It’s Blitz" est bien ce disque disco-pompier dont on nous chante partout les louanges. Seulement, elle donne une fausse image de l’ensemble, beaucoup plus proche de "Show Your Bones" et de l’"Is Is EP", largement plus intéressant et, surtout, à l’orientation différente.
Si les deux morceaux suivant continuent, avec infiniment plus de subtilité, à se construire autour de beats et de segments électroniques, l’atmosphère est suffisamment différente pour faire office de rupture sèche. Les Yeah Yeah Yeahs ôtent leurs gros sabots pour diffuser une synthpop rauque et groovy ("Soft Shock", rappelant Blondie et le Bowie des années 70) ou plus atmosphérique (l’habile et impeccable montée en puissance de "Skeletons", avec une maline utilisation des percussions). Arrivés à la moitié de l’album, les New-Yorkais empruntent alors un chemin similaire à TV On The Radio : fragile corde tendue entre la noisy pop et l’urgence du post-punk, une bonne dose de riffs corrodants, des rythmiques limpides et saccadées à foison, une basse bourdonnante. Sur "Dull Life" et "Shame & Fortune" notamment, le chant de Karen O semble être une boule d’énergie irrépressible, défiante et arrogante, reine en son royaume posant sa voix avec habileté, comme une harmonie entre la souplesse de Tunde Adebimpe et la sensualité de la chanteuse des Kills.
"Runaway" est probablement le titre le plus épique jamais enregistré par le trio et agit, comme le reste de l’album, en trompe-l’oeil, débutant par une charmante petite ballade au clavier, avec le phrasé presque hip hop de Karen O, avant de lâcher lentement la laisse à la faveur des effets de guitare de Nick et d’une section de cordes couplée à un motif électronica à la M83. Puissant, certes, mais sans appel du pied au public des Killers, sans mauvais goût, en évitant de plonger tête baissé dans l’hybride rasoir du tout début de l’album.
Le titre final est l’antithèse parfaite de "Zero" : intimiste, fait pour être écouté au casque, seul dans l’obscurité, "Little Shadow" associe délicatement, dans un premier temps, discrets accords acoustiques et synthés ambient, le temps d’une comptine éblouissante de justesse, avant d’approcher du terrain de jeu de Sigur Rós. Les Yeah Yeah Yeahs sont définitivement passé à la vitesse supérieure.
Julian Flacelière
A lire également, sur Yeah Yeah Yeahs :
la chronique de « Show Your Bones » (2006)
Zero
Heads Will Roll
Soft Shock
Skeletons
Dull Life
Shame & Fortune
Runaway
Dragon Queen
Hysteric
Little Shadow