MAJOR DELUXE – Something Ends Here
(Top 5 Records) [site]
Quatre ans après "Skyline Society", Sébastien Carbonelle a troqué les Ray Ban et les Santiags pour la casquette de capitaine. À bord de son monumental brise-glace, il poursuit sa conquête des grands espaces inexplorés, en éternel chercheur d’absolu.
Nul doute, à l’écoute de "Something Ends Here", que Major Deluxe ait effectivement aujourd’hui atteint le bout du monde. Perpétuant le raffinement unique de son prédécesseur, Carbonelle transforme tantôt son paquebot en sous-marin jaune (les tapis de cordes à la George Martin), tantôt en joyeux hydroptère (la trompette aérienne à la Burt Bacharach). Mais s’il effectue avec brio le grand écart entre l’aridité du désert et la banquise immaculée, le chanteur n’en finit pas pour autant de mordre la poussière. La folie des grandeurs mélodiques se confronte en effet à un sentiment morbide et paradoxal de finitude. En ce sens, l’inaugural "My Last Dream" annonce d’emblée la couleur du disque : le noir absolu. Car ce dernier rêve auquel s’accroche notre homme se révèle rapidement être un cauchemar poisseux, hanté par la désolation et le sentiment de mort. Seule éclaircie à l’horizon : "Murder Day", qui illumine l’album d’accords plus évidemment pop, mais où Carbonelle parvient tout de même à finir, là aussi, avec un cadavre sur le dos – le sien. D’escale en escale, notre capitaine ne fera d’ailleurs rien d’autre que cela : mettre en scène sa propre mort. Au fil des plages du disque, on se demande alors si le bout du monde n’a pas, finalement, pris la forme d’un cul-de-sac. En reconnaissant que "quelque chose, ici, prend fin", le groupe semble s’être heurté à ses propres limites. Noyées dans les cordes, les chansons ne sont pas toujours à la hauteur de l’intensité recherchée et semblent ne jamais se résoudre à finir, agonisant en soubresauts successifs. À l’inverse du millefeuille inépuisable d’arrangements qu’était "Meanwhile", la quintessence fait ici parfois plutôt place à la suraccumulation, comme si le groupe s’imposait un cahier des charges. Le sublime "The Birdwatcher" semble alors la chanson la plus équilibrée entre l’émotion vocale poignante et le bercement d’arrangements. Il faudra donc écouter et réécouter cet album subtil gonflé de mystères, construit à l’intention des chercheurs d’or doués de patience. Car les cadavres que chante Sébastien Carbonnelle ont des pépites plein les mains.
Christophe Patris
A lire également, sur Major Deluxe :
l’interview (2006)
la chronique de « Skyline Society » (2006)
My Last Dream
Murder Day
The Birdwatcher
The Storm (Is So Scary)
Play Dead
Nothing Alongside
Back to Normal
Departure Song
Everything is Black (On a Sunset Blue Sky)
Something Ends Here