STAFF BENDA BILILI – Très Très Fort
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L’époque est au retour aux sources. Et le berceau du monde, c’est incontestablement l’Afrique. Récemment, des formations comme Extra Golden ou Vampire Weekend, sont allées s’abreuver à l’inépuisable filon qu’est l’Afrique noire. Résultat du métissage culturel : de beaux fruits gorgés d’or, sucrés juste comme il faut, qui ravissent les papilles auditives sans qu’ils n’aient vraiment eu à se soucier du climat et de la nature des sols, pour pousser. De quel plus beau moment pouvait rêver le Staff pour enfin pouvoir sortir de l’ombre dans laquelle il survit – non sans dignité – au jour le jour. Car ici, c’est bien de survie dont il est question, nullement d’hybridation musicale à vocation distrayante. Sur cette terre battue kinoise, on ne récolte ni fruit ni jus (même le courant utilisé pour l’enregistrement de l’album a dû être pompé frauduleusement à la prise d’une buvette désaffectée, mais chut !) si on ne fait pas preuve d’ingéniosité et de débrouille. La musique du Staff Benda Bilili – qui signifie littéralement : "mets en valeur ce qui est dans l’ombre" – est le dénouement heureux de cette débrouillardise. Ce n’est pas une romance qu’il chante, mais la vraie vie, celle d’un peuple maltraité – qui ne perd pas pour autant le sourire -, au pinacle de la pauvreté, livré à lui-même dans l’enfer des rues. Exclus, les handicapés et les shégués (enfants des rues) le sont particulièrement. Reclus hors du centre ville, ces Kinois se regroupent en communautés. Instruits et coriaces, les handicapés sont organisés en un syndicat, appelé la plateforme, et offrent protection et conseil à nombre de shégués égarés. C’est de cette population qu’est issu le Staff : trois quinquagénaires paraplégiques armés de guitares – Ricky (le leader), Coco et Theo – juchés sur des engins customisés avec quelques bouts de ficelles, et un ex-shégué – Roger -, jeune prodige de dix-sept ans qui se livre à des prouesses techniques sur un instrument monocorde (le satongué) de sa fabrication, construit au départ d’une boîte de conserve, en constituent le noyau. Alors, bien sûr, on a l’attention captée par le décor Mad Maxien et les conditions de vie difficiles du combo, mais le Staff Benda Bilili, tout sauf creux, est loin de se retrancher derrière un côté miséreux photogénique, c’est un véritable groupe porteur de messages simples mais forts – "Très Très Fort" même : "Quand le soleil se lève, s’il y a quelque chose à manger, mange, s’il n’y a rien, sois patient, demain, tu trouveras" ; "je dormais dans des boîtes en carton, la chance m’a trouvé, je me suis acheté un matelas" ; "Il n’est jamais trop tard dans la vie, on ne sait pas ce que demain apportera"…) – qui pratique une musique bien à lui, tantôt aux rythmiques chaloupées, tantôt davantage propice à l’écoute contemplative, mais toujours empreinte d’un groove afro-cubain qui donne le frisson. Après une telle leçon de vie, on se sent tout petit, et on n’a qu’une seule envie : se ressourcer à cette joie de vivre et revoir profondément ses priorités, ses rigidités, et ses petites considérations, forcément déplacées. Bouleversant.
David Vertessen
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