V/A – Dark Was The Night
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En 1993 fut publiée « No Alternative », compilation sortie en plein délire grunge réussissant à regrouper sur la même galette Sonic Youth, Pavement, Nirvana, The Verlaines ou encore The Smashing Pumpkins, marquant durablement nombre de groupes débutants et d’adolescents encore au collège. Seize ans plus tard, ces plus ou moins jeunes esprits, et d’autres n’ayant traversé cette époque troublée qu’en pyjama, décident de se rassembler afin de mettre leur talent au profit de la lutte contre le SIDA. C’est ainsi que l’on retrouve un condensé plus ou moins fidèle du panorama de l’indé anglo-saxon de ces dix dernières années. L’intérêt et la beauté de cette sortie étant que tous ces groupes jouent des titres inédits – reprises ou compositions originales – et, pour ne rien gâcher, d’excellente qualité, de telle manière qu’il est difficile d’y discerner quelques lacunes.
Qu’y trouve-t-on exactement ? Trente et une chansons de styles assez divers, souvent orchestrées, allant de la reprise très soul, d’une grande justesse, de Nina Simone par My Brightest Diamond, à la bizarroïde et électronique interprétation par Sufjan Stevens d’un titre de Raymond Raposa (Castanets) en passant par l’obsédant traitement que fait subir le Kronos Quartet au blues de Blind Willie Johnson. La nouvelle composition d’Arcade Fire, plutôt faiblarde si on la compare à « Funeral », est éclipsée par la petite merveille de The National, assez proche de l’esprit de leur dernier album, et tout simplement une de leurs meilleures productions, la charmante chanson gypsie de Beirut ou encore le classique instantané qu’est « Sleepless » par les Decemberists, qui ne présage que du bon pour leur prochain LP. On se console du médiocre dernier album de My Morning Jacket avec leur époustouflante mélange de country et d’americana (« El Caporal ») et retrouve avec bonheur de vieux routards comme Yo La Tengo, dans le style low-fi de « I Can Beat… « , Spoon ou Stuart Murdoch de Belle & Sebastian.
L’aspect « disque entre potes » est illustré par un grand nombre de collaborations des plus séduisantes : David Byrne écrit et compose avec les Dirty Projectors une véritable pépite anachropop, Antony reprend magnifiquement, comme à son habitude, un titre de Dylan accompagné à la guitare par Bryce Dessner, l’autre cerveau de The National pianote sur « Big Red Machine » chanté par Justin Vernon, Feist chante avec Grizzly Bear et reprend Vashti Bunyan avec le chanteur de Death Cab for Cutie, José González pousse sa voix sur une chanson de Nick Drake jouée par les sous-estimés The Books, entre autres. Le salut existe aussi hors de l’indé, et l’on se plaît à croiser des artistes venus aux parcours plus singuliers, notamment l’immense Sharon Jones, accompagnée de son band de fous furieux The Dap-Kings, reprenant un turbulent titre de Shuggie Otis, arrangé à la perfection… Il serait long et fastidieux de répertorier l’ensemble des beautés et des surprises parsemant cette compilation. Allez voir : le voyage vaut le détour.
Julian Flacelière
Disque 1
Knotty Pine – Dirty Projectors & David Byrne
Cello Song – The Books feat. Jose Gonzalez
Train Song – Feist & Ben Gibbard
Brackett, W9 – Bon Iver
Deep Blue Sea – Grizzly Bear
So Far Around the Bend – The National
Tightrope – Yeasayer
Feeling Good – My Brightest Diamond
Dark Was the Night – Kronos Quartet
I Was Young When I Left Home – Antony & Bryce Dessner
Big Red Machine – Justin Vernon & Aaron Dessner
Sleepless – The Decemberists
Die – Iron & Wine
Service Bell – Grizzly Bear & Feist
You Are the Blood – Sufjan Stevens
Disque 2
Well Alright – Spoon
Lenin – Arcade Fire
Mimizan – Beirut
El Caporal – My Morning Jacket
Inspiration Information – Sharon Jones & The Dap-Kings
With a Girl Like You – Dave Sitek
Blood Pt 2 – Buck 65 feat. Sufjan Stevens & Serengeti
Hey Snow White – The New Pornographers
Gentle Hour – Yo La Tengo
Another Saturday – Stuart Murdoch
Happiness – Riceboy Sleeps
Amazing Grace – Cat Power & Dirty Delta Blues
The Giant of Illinois – Andrew Bird
Lua – Conor Oberst & Gillian Welch
When the Road Runs Out – Blonde Redhead & Devastations
Love vs. Porn – Kevin Drew