ONEIDA – Preteen Weaponry
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Il y a quelques semaines, les membres d’Oneida nous accueillaient sur leur page MySpace en s’étonnant qu’on soit parvenus jusqu’à eux. Comme s’ils étaient un groupe d’amateurs, terrés dans leur Brooklyn natal, et dont la renommée ne mériterait pas de dépasser les limites de leur voisinage et de leur famille. Mais une écoute même distraite de "Preteen Weaponry" comme de leurs précédents albums a vite fait de nous détourner de cette idée.
Après quelques albums de folk électrique aux allures parfois post-rock, les New-Yorkais nous offrent ici le plaisir d’un album en grande partie instrumental, où le chant, lorsqu’il est présent, se fond dans la masse sonore pour devenir un instrument parmi d’autres. Drôle d’album et drôle d’architecture : "Preteen Weaponry", constitué d’un long morceau découpé en trois moments, est lui-même la première partie d’une trilogie sur le thème de l’adolescence, "Thank You Parents". La deuxième partie de cette trilogie-concept, prévue pour le mois de mars, sera elle-même composée de trois disques, tout en étant conçue comme une seule partie unifiée (vous suivez ?). Bref, on aura compris que ces petits aiment bien les maths, et ce n’est pas pour rien que certains passages du disque nous rappellent des groupes tels que Battles.
On est accueilli dans cet album par une sorte magma sonore, où les ronflements de guitares forment un tout indistinct. Puis, peu à peu, des formes se dessinent, viennent structurer le chaos initial : d’abord la batterie, qui scande avec précision un rythme presque militaire, puis des guitares, parmi lesquelles une guitare acoustique, dont la mélodie répétitive va mener jusqu’à son terme ce morceau construit tout en transitions, en fondus enchaînés. On pense assez vite à Tortoise, pour la légèreté de la mélodie ; mais ici la progression du morceau, le caractère décidé de la batterie créent un effet entêtant, presque hypnotisant. Le deuxième morceau semble lui aussi émerger du chaos. Seulement, là où le précédent allait vers plus de précision, ici on reste dans les brumes ; le chant se perd dans une masse lointaine, éthérée, qui concilie les accents tribaux avec un son rêche de krautrock, rappelant par moments les guitares de Can.
Tout l’album se construit dans les répétitions et les variations, pour former un processus sonore où tout évolue en permanence ; et lorsque le troisième morceau disparaît petit à petit pour laisser place au silence, ce n’est pas par épuisement, mais seulement parce qu’il semble que tous les possibles ont été explorés. On reste sur un sentiment de richesse et de renouvellement permanent, un peu à l’image du groupe, qui a su jongler avec les genres sans pour autant perdre sa marque propre.
Alors, si en ouvrant aujourd’hui la page MySpace de Oneida, vous les voyez s’étonner non plus de ce qu’on les ait trouvés, mais de ce qu’on les connaisse pas encore, c’est normal : ils méritent de marcher d’un pas ferme aux côtés des grands noms d’un post-rock renouvelé.
Catherine Guesde
A lire également, sur Oneida :
la chronique de « Happy New Year » (2007)
Preteen Weaponry Part 1
Preteen Weaponry Part 2
Preteen Weaponry Part 3