MANSFIELD.TYA – Seules Au Bout De 23 Secondes
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Bien sûr par fainéantise, on pourrait dire que tout est ici très (trop ?) littéraire. Bien sûr par flemme, on pourrait dire que tout cela est parfois très (trop ?) intello. Mais avec une ancienne étudiante aux Beaux-Arts de Nantes (le genre de truc, où on doit rendre hommage à Jacques Demy, en intitulant des sculptures en varech "Les soeurs Dorléac"), et une autre en musicologie à Tours (le genre de truc, où on doit rendre hommage à Yves Bonnefoy, en composant des lieder pour vibraphone et tondeuse à barbe sur "Du mouvement et de l’immobilité de Douve"), on savait quand même où on mettait les pieds. Bien sûr, il serait aisé de faire le parallèle entre la chanteuse Julia Lanoë et Lou Reed, et le violon de Carla Pallone et celui de John Cale (le Velvet semble être ici une des principales sources d’inspiration). Bien sûr on pourrait dire tout cela, et bien plus encore, pour se moquer, pour faire une chronique facile, pour étaler sa culture (j’ai lu tout Bonnefoy !), mais on manquerait (et de loin) l’essentiel : le troisième album du duo Mansfield.TYA est bon, très bon, excellent même.
Parce qu’à aucun moment, ce qui aurait pu être des défauts, notamment le côté minimaliste de l’instrumentation (ce qui est souvent synonyme de "Mes idées je ne les ai pas mises dans mes chansons mais dans mes silences". Qu’est ce qu’on s’en fout de tes silences ?), et le parti-pris de faire alterner chanson en anglais et en français (ce qui est souvent synonyme de : "Mes références sont à la fois la zone industrielle de Bristol et la zone industrielle de St-Nazaire". Qu’est ce qu’on s’en fout des zones industrielles ?), ne gâche le plaisir d’écouter de bonnes, de très bonnes chansons. De l’enchanteresse comptine "Long Ago" (on pense beaucoup, beaucoup au Velvet de "Loaded"), à l’intense "Wasting My Time", avec ses choeurs s’entrecroisant dans une spirale ascendante (ça fait un peu prétentieux dit comme ça, mais je vous jure cela ne l’est pas du tout), en passant par le single "Sur le plafond", avec cette magnifique déclaration d’amour : "Les yeux de ma promise sont des cimetières / Des cadavres en chemise courent dans ses artères" (c’est quand même plus drôle que Bonnefoy), tous les titres sont en effet ici parfaitement écrits et jamais ennuyeux, ce qui relève avec tous les handicaps susdécrits (le côté littéraire, intello, minimaliste, le varech, Jacques Demy…) de la gageure.
Disque français de l’année ? Français ? De l’année ? Peut-être bien plus que cela.
Emmanuel Beal
A lire également, sur Mansfield.TYA :
la chronique de « June » (2005)
la chronique de « Mansfield.TYA » (2004)
Long Ago
Lointaine
Sur le plafond
Des Journées ordinaires
Wasting My Time
Silver Silences II
Je ne rêve plus
Why Not Die Together ?
My Lover Is Gone
Fantômes
You’re the Woman
So Long
Dé-programmé
Seules au bout de 23 secondes