THE WALKMEN
Quelques heures avant un époustouflant concert à La Vapeur, salle dijonnaise qui accueillait du 12 au 20 février 2009 le GénériQ Festival, Hamilton Leithauser et Peter Bauer, respectivement chanteur et bassiste/organiste des Walkmen, ont accordé à POPnews un entretien, exercice pour lequel le groupe new-yorkais est plutôt avare. Nous les remercions encore pour leur gentillesse et leur attention.
Hamilton Leithauser : Désolé, je suis en pleine partie d’échecs électronique avec un ami. Comment ça va ?
Super. Nous sommes très heureux de pouvoir enfin parler un peu avec vous. [Hamilton retourne à son laptop jouer son coup et revient en s’excusant – ce qu’il fera régulièrement au cours de l’entretien] Quel était votre état d’esprit, en tant que groupe et avec trois albums derrière vous, au moment de commencer l’enregistrement de "You & Me" ? Aviez-vous peur ou étiez-vous heureux de retourner dans le grand bain ?
Hamilton : Comment tu le sentais, Peter ?
Peter Bauer : Nous étions heureux, oui, sans aucun doute. Nous étions excités. On a pris un peu de temps à simplement composer , mais une fois le processus réellement engagé, l’humeur a changé, la tâche est devenue compliquée et nous a fait perdre quelque peu la tête.
Aviez-vous réalisé que cela vous prendrait autant de temps pour réaliser "You & Me" ?
Peter : Non, nous n’en avions aucune idée. Nous avons maintenant l’habitude du processus donc nous savions que cela prendrait un peu de temps, mais jamais nous ne nous imaginions y passer deux ans et demi.
L’humeur du disque est très différente de celle des précédents albums, plus apaisée et contenue. Etiez-vous à la recherche d’une nouvelle forme d’énergie ?
Hamilton : Oui, nous nous souciions énormément du chemin qu’allait nous faire prendre le nouveau disque. Nous n’avions pas de maison de disques pendant la majeure partie de l’enregistrement, pas de deadline donc nous avons pris le temps de mettre ça sur cassettes, de retravailler, d’aller au bout du processus.
"Red Moon" fut la première chanson écrite pour cet album, n’est-ce pas ?
Hamilton : Oui.
C’est étrange parce que c’est l’une des chansons les plus lentes que vous ayez jamais écrites.
Peter : C’est vrai.
Ce n’est pas le genre de titres auxquels on s’attend venant des Walkmen.
Hamilton : Ouais. Je ne sais pas. A ce moment du processus, en arriver là, avec cette chanson, semblait évident pour nous tous.
Que vous-êtes vous dit ? "OK, essayons de prendre le contre-pied de ce que nous avons déjà fait ?" ou est-ce simplement arrivé, naturellement ?
Hamilton : [il réfléchit] Nous essayons toujours de nous défier de ce que nous avons fait, d’essayer des choses différentes, de nouvelles manières d’aborder le sujet. C’est la seule manière de garder de l’intérêt à faire de la musique. Mais… je ne sais pas… pas davantage que pour les précédents albums, à vrai dire. C’est le processus habituel. On a beaucoup travaillé…
Vous avez une voix très particulière, qui ne suit pas forcément le rythme de la musique. Nous sommes curieux de savoir si vous avez enregistré le chant en live, avec le groupe entier, ou séparément.
Hamilton : Oui. J’enregistre souvent avec le groupe, c’est quelque chose de fort, de génial. Je ne l’ai pas toujours fait, mais pour cet album on a voulu enregitrer le chant en live, tous ensemble.
"You & Me" est un disque très attachant, qui demande du temps et de l’attention pour se révéler. C’est vraiment une entité, construite étape par étape. N’aviez-vous pas peur de le publier maintenant qu’il semble que l’expérience de s’asseoir et d’écouter un album d’une traite soit de plus en plus négligée ?
Peter : Si, nous étions effrayés. Mais nous avons été agréablement surpris de l’attention portée à "You & Me", surtout maintenant que les gens semblent si impatients et réfractaires à l’idée de prendre le temps de s’immerger dans un disque. Une belle surprise, oui.
Les retours sont très positifs.
Peter : Oui !
Ce qui n’était pas le cas de "A Hundred Miles Off", globalement plutôt descendu…
Peter : Ah ça… [mine désabusée]
Il fut très apprécié à POPnews, cependant. [rires]
Peter et Hamilton : Oh, merci beaucoup.
Vous avez fait beaucoup de reprises. Il y en a des fabuleuses sur "Pussy Cats", celle de Jimmy Cliff ["Many Rivers to Cross"] par exemple, incroyablement puissante et touchante, avec cette voix toujours prête à se rompre. Le son et le rythme de "Forgotten Soldier" est très étrange et hypnotique, avec cette mélodie au piano mixée pour sembler très lointaine. Est-ce que vous apprenez des choses, en tant que musiciens, en reprenant d’autres artistes ?
Peter : [enthousiaste] Je crois que ça nous a beaucoup apporté, oui, notamment dans l’optique de "You & Me", pour lequel nous voulions un immense son, avec des cordes, des cors, etc. Puis nous avons réalisé que nous pouvions faire cela nous-mêmes, bien que nous n’en ayons pas vraiment de notions.
Vous prenez autant de plaisir à reprendre qu’à créer vos propres compositions ?
Peter : Hum… Non, je veux dire que ce sont deux choses très différentes. C’est tellement plus facile de reprendre d’autres artistes. Tu n’as pas besoin d’utiliser ton cerveau, tu as juste besoin de jouer ce que quelqu’un d’autre a déjà écrit. C’est très amusant, simplement brancher les instruments et y aller.
Paul a appris en autodidacte l’alto et la trompette.
Peter : Oui. Il a beaucoup joué de violon auparavant, mais il a choisi l’alto et décidé de l’apprendre, comme ça.
Il l’a appris spécialement dans le cadre de "You & Me" ?
Peter : Oui, il a essayé de trouver des sons différents, de nouvelles choses, une approche sonore plus latine et ça a plutôt bien marché. C’était une idée simple qui s’est révélé très intéressante.
Etes-vous satisfaits du son du disque, de l’atmosphère ?
Peter : Oui. Incontestablement. On a vraiment réussi à trouver le son que l’on désirait.
"You & Me" est certainement votre album le plus dépouillé, vous vous mettez à poil.
Peter : C’est-à-dire ?
Il n’y a plus toute cette reverb, ces breaks. C’est très direct, comme sur "I Lost You" : une super mélodie et point barre. Vous ne vous cachez plus, en quelque sorte. Vous êtes nus.
Hamilton : Ouais, d’ailleurs nous l’étions. [rires]