ALELA DIANE – To Be Still
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Publié en France en 2007 par le label Fargo, "The Pirate’s Gospel", premier album d’une parfaite inconnue nommée Alela Diane, fut un miracle à double titre. D’abord par la musique qu’il contenait, superbe, parfois même bouleversante dans sa simplicité et son dépouillement. Ensuite par son succès, inespéré pour un disque que la jeune femme avait surtout enregistré pour elle et ses proches : plus de 50 000 exemplaires écoulés, principalement dans l’Hexagone, et des concerts systématiquement complets malgré des salles de plus en plus vastes (toutes les places sont déjà vendues pour le Bataclan d’avril, à tel point qu’un Olympia a été rajouté en juin). Si la Californienne a sans douté savouré ce triomphe inattendu – qui ne lui a pas donné la grosse tête pour autant -, elle l’a aussi vécu à contretemps puisque, au moment où le public découvrait les chansons de "The Pirate’s Gospel", celles-ci avaient déjà deux ou trois ans, et qu’Alela Diane pensait déjà très fort à la suite.
Par la force des choses, "To Be Still" aura ainsi été enregistré entre les tournées de concerts et de promotion pour l’album précédent, qui l’ont bien occupée ces deux dernières années (en plus du recueil de reprises sorti récemment sous le nom de Headless Heroes). Commencé à Portland, le disque a été terminé à Nevada City, dans le studio de son père. Cette gestation par à-coups ne se ressent absolument pas à l’écoute des onze morceaux de ce disque très fluide et homogène. Ce qui paraît tout de suite évident, en revanche, c’est qu’Alela a évité de se répéter. Alors qu’elle avait enregistré "The Pirate’s Gospel" quasiment seule, "To Be Still" apparaît comme un véritable disque de groupe, beaucoup plus arrangé, au son plus ample. Peut-être moins singulier que son prédécesseur au premier abord, mais au moins aussi remarquable, il rassure en tout cas sur les capacités de son auteur : Alela Diane Menig est l’une des voix les plus marquantes de ces dernières années, mais aussi une musicienne complète et accomplie.
Ses accompagnateurs, dont certains ont déjà joué avec elle sur scène, ont été choisis pour la plupart dans son cercle familial et amical : son père, ses amies Mariee Sioux et Alina Hardin, le batteur Otto Hauser de Vetiver, son ex-prof de violon, et quelques vétérans de l’ère hippie comme Michael Hurley. Entièrement au service des chansons, ils tissent autour de la voix qui les porte un cocon douillet, tout en sonorités chaudes de pedal-steel, banjo, mandoline, violon et percussions. "To Be Still" est à la fois atemporel et fortement réminiscent des chefs-d’oeuvre du folk au féminin gravés à la charnière 60’s-70’s par Buffy Sainte-Marie, Bridget St. John ou Linda Perhacs. Des morceaux comme "Age Old Blue" (avec sa mélodie rappelant vaguement le "500 Miles" d’Hedy West – "Et j’entends siffler le train" en VF) ou "Tatted Lace" pourraient être des reprises tant ils sonnent comme des classiques, tant ils imposent d’emblée leur sereine évidence. Mais comment traduire l’effet que ces chansons produisent sur l’auditeur ? Autant essayer de rendre l’émotion qui nous saisit devant une toile de Rothko en disant qu’elle mesure 206,7 sur 168,6 cm et qu’elle est composée d’à-plats jaune, vert, noir, mauve et rouge… Mieux vaut donc en rester là.
Vincent Arquillière
A lire également, sur Alela Diane :
l’interview (2007)
la chronique de « Pirate’s Gospel » (2007)
Dry Grass & Shadows
White as Diamonds
Age Old Blue
To Be Still
Take Us Back
The Alder Trees
My Brambles
The Ocean
Every Path
Tatted Lace
Lady Divine