TELEVISION PERSONALITIES – Paris, La Flèche D’Or, 28/01/2009
Quinze ans que Dan Treacy n’avait pas mené ses Television Personalities jusqu’en France… Il y avait donc du monde au rendez-vous de la soirée Rock is Dead? quatrième du nom, dans la programmation de laquelle les TVP’s s’étaient glissés ce froid soir de janvier, veille de grève.
Pour être tombé dedans quand j’étais petit par le biais d’une chronique élogieuse dans les Inrocks circa 1990 et d’un morceau saisi au vol sur une radio locale, à une époque où se procurer les disques d’un groupe un peu obscur relevait du parcours du combattant, surtout quand on habitait loin des grands villes, j’ai longtemps été obsédé par les Television Personalities. Si si, par ce type, là :
Quinze ans plus tard, la discographie du groupe laborieusement complétée sur l’étagère, jamais très loin de la platine, la nouvelle des démêlées de Dan Treacy avec la justice n’avait fait qu’ajouter un inutile chapitre à la biographie de ce "loser" pas si beautiful, comme la mythologie rock les aime tant (et moi, moins). Certes, quand on apprit que Dan, tout juste sorti de prison remontait sur scène avec le soutien du fidèle Ed Ball, on ne put que se réjouir. Mais l’expérience de François, un ami d’ami parti à la recherche du mythe sur ses terres, revenu sans l’interview rêvée, mais avec des récits d’improbables concerts toujours à la limite de l’annulation et le portrait d’un gars paumé, susceptible de disparaître sans prévenir en un instant, pas loin du pathétique, m’avait conduit à délaisser quelque peu le personnage…
… et même un petit peu sa musique, en tout cas sa dernière émanation discographique, "My Dark Places" en 2006, disque du grand retour avorté, qu’on aurait tant aimer adorer, mais qui poussait décidément l’auto-caricature un poil trop loin. Et l’on ne parle pas des concerts de ce côté-ci du Channel annulés pour des raisons stupides ("ah ben j’ai égaré mon passeport…").
Mais bon, Dan Treacy, cramé par les excès et les défaites, totalement à l’ouest, est enfin à Paris ce soir. Alors respirons un bon coup, oublions tout : l’occasion d’une réconciliation ?
Précédé par Tchiki Boum (décidément abonné aux premières parties de groupes rares en France après l’ouverture pour For Against en octobre dernier), Screaming Lights (dont la prestation ne se relèvera pas vraiment d’un problème de son sur la guitare du très poupin, sans doute très doué mais très bruyant guitariste durant les trois premiers morceaux) et l’excellente introduction aux platines du plus grand fan des TVPs du monde de moins d’un mètre soixante-quinze, Etienne Greib, le groupe se produira très tard (23h15) et ne lâchera la scène que vers une heure du matin.
Entre temps défileront une trentaine de morceaux, dont la simple énumération suffirait, pour ceux qui ont la chance de les connaître, à rappeler combien Dan Treacy est un génie. "Look Back in Anger", "Part Time Punks", "Someone to Share My Life With", "My Very First Nervous Breakdown", "Salvador Dali’s Garden Party", j’en passe et des meilleures… La réalité est moins simple. Si le concert démarre sur les chapeaux de roues, avec un "Look Back in Anger" des grands soirs, si Dan, coiffé de son inséparable bonnet, fait preuve d’une faconde fort sympathique, distribuant généreusement les anecdotes et les saillies entre chaque chanson (quoique parfois de manière assez incompréhensible), le groupe passe vite en mode "ça passe ou ça casse". Quand ça passe, c’est bien et on peut se lancer sans retenue dans l’éloge des Television Personalities en tant qu’inspirateurs séminaux de toute l’indie pop, ou, pour paraphraser JD Beauvallet dans les Inrocks il y a une vingtaine d’années, les affubler sans honte du titre de plus grand groupe du monde à plusieurs occasions et à cet instant précis. Quand ça casse, en revanche, que ce soit à cause d’un guitariste un peu trop bavard ou à contre-temps, ou pour on ne sait quelle raison, ou juste parce qu’il en a marre, Treacy se retire rapidement du jeu, clown absent, pose sa Danelectro et attend que le morceau se finisse en chantonnant deux-trois phrases, comme sur ce "All My Dreams Are Dead" tiré de "Privilege" (1990 – il y a 20 ans, déjà, les carottes étaient cuites…), abandonné à lui-même au bout d’un couplet et demi.
Les moments de grâce pullulent, mais il faut aller les chercher parmi un fatras invraisemblable, une bouillabaisse musicale pas toujours très valorisante, pour ne pas être grossier. Même noyée dans les fausses notes et les approximations, "Someone To Share My Life With" est tout simplement à pleurer. Au prix d’un peu de persévérance, et sans sombrer ni dans le sentimentalisme ni dans le voyeurisme, voir cette grande gueule résignée de Treacy sur scène était une expérience bouleversante. Je n’aurais raté ça pour rien au monde (et surtout pas un début de grève).
Guillaume
Merci à Sarah.