FRÈRE ANIMAL – Paris, L’Européen, Le 26 Janvier 2009
Soirée prise de risque hier dans l’hémicycle de l’Européen pour Florent Marchet et son acolyte Arnaud Cathrine qui présentaient la version live de leur roman musical "Frère Animal". Une prise de risque bien réelle : des textes chantés/parlés, une orchestration limitée reposant principalement sur un seul homme orchestre, un spectacle hybride aux frontières du concert, du théâtre et de la lecture.
Mais, finalement, une réussite complète parce que tout avait été mis en scène avec une économie d’effets au service d’une histoire remarquablement écrite. Car c’est bien de cela dont il s’agit, nous raconter une histoire avec les outils de la chanson, du jeu d’acteur parfois, de la danse, de la voix. A ce jeu-là, "Frère Animal" réussit une vraie performance, filer une métaphore sur la famille à travers une entreprise omniprésente dans la vie de ses salariés… Si la fiction est de mise, les mots souvent font mouche quand ils soulignent la brutale réalité quotidienne : "La Chanson du DRH", "La Fiche de recrutement", "La Charrette". Le public rit jaune face à ce miroir qui lui est tendu. Le rythme ne faiblit jamais, les chansons s’enchaînent dans une sorte de ballet réglé au millimètre où chacun a naturellement trouvé sa place. Les vraies révélations de ce spectacle ne sont pas là où on les attend.
Valérie Leulliot efficace mais un poil trop discrète, Florent Marchet trop occupé à couver sa troupe du regard (on imagine le poids des responsabilités sur ses épaules). Non, ceux qui s’amusent le plus sont Nicolas Martel et Arnaud Cathrine. Le premier jouant de la souplesse de son corps et de sa voix pour se couler avec aisance dans la peau de personnages improbables (on retiendra un numéro de transformiste particulièrement réussi). Le second, écrivain doué, habite la scène de sa belle voix grave et d’un jeu sobre, s’inventant au passage un destin de chanteur qu’il n’avait même pas imaginé en rêve.
Ovations méritées, rappel souchonesque pour le fun ("Ultramoderne solitude"). Plus tôt, c’était un emprunt dominiquanesque de circonstance qui s’était glissé dans le répertoire ("Le Travail"). Souhaitons vivement que ce spectacle hors gabarit s’affranchisse du sérail parisien pour aller vivre sa vie dans tout le pays et faire la nique aux chanteurs calibrés et répertoires fades. Une prise de risque, non, un acte de résistance !
Luc Taramini
Photos par Guillaume Sautereau
Un très grand merci à Jennifer.
A lire également, sur Florent Marchet et Arnaud Cathrine :
l’interview de Florent Marchet et Arnaud Cathrine (2009)
la chronique de "Rio Baril » (2007)
l’interview (2005)