EXPO ’70 – Black Ohms
(Beta-lactam Ring Records) [site] [MySpace] – acheter ce disque
Lorsque, aux débuts des années quatre-vingt-dix, Dylan Carlson, dont la petite histoire ne reteint de lui que le junky qui donna le fatal fusil à un Kurt Cobain au bout du rouleau, fonda Earth, il n’imagina pas une seconde susciter autant de vocations dans le (très) lourd et sinueux sillage de sa bande de misfits. Les intentions de Carlson à l’époque étaient juste de concilier ses deux amours : le métal et les musiques répétitives, celle de La Monte Young en particulier. Dix huit ans après, Earth existe toujours, sort des disques sublimes (le dernier en date se payant même le luxe d’inviter Bill Frisell), une multitude de groupes se réclame de son héritage, certains poussant le concept de base dans des extrêmes qui sortent carrément du cadre musical tels Sunn O))), fascinants sculpteurs d’infra basses, et les étiqueteurs s’en donnent à coeur joie entre drone music, ambient metal, doom dark truc… Parmi cette descendance, on trouve une authentique pépite : Expo ’70, groupe fondé à Los Angeles en 2003 autour de Justin Wright, et qui a réussi à donner un second souffle à cette scène en intégrant des influences nouvelles qui donnent à cette musique une toute autre dimension, résolument tournée vers l’éther plutôt que les profondeurs telluriques, territoire de prédilection de Earth.
Après une quinzaine d’EP et d’albums, dont certains autoproduits en CD-R, Expo ’70 a désormais trouvé refuge auprès du fabuleux label de Portland Beta Lactam Ring Records, qui compte dans ses rangs quelques légendes inclassables : The Legendary Pink Dots, Nurse With Wound, les français de La Société des Timides à la Parade des Oiseaux, etc. Après avoir connu de multiples changements de personnel, le groupe n’est maintenant plus que l’affaire d’une personne, Justin Wright, et son instrumentation réduite à la guitare et au synthé Moog. Et ça lui a plutôt réussi ! Car la musique de ce "Black Ohms" n’est que pure merveille d’entrelacs de drones filandreux, flottants où les répétitions de motifs de guitares sont, par instant, délicatement chahutés par des micro-événements. Pour créer ce miracle, Justin Wright invoque le minimalisme de Terry Riley, la puissance de Sunn O ))), le lyrisme d’Ash Ra Temple, la profondeur de Phill Niblock et même la fragilité de Durutti Column, pour une musique qui n’est en aucun cas juste une réinterprétation brillante de ces illustres références mais qui offre une infinité de possibilités en posant les bases d’un nouveau psychédélisme (il était donc évident de trouver Expo ’70 dans la programmation de la récente exposition-festival du musée d’art contemporain de Bordeaux consacrée à ce mouvement). Ce qui étonne à l’écoute de cette musique, qui sur le papier peut intimider, c’est la facilité avec laquelle elle transporte, entre douce mélancolie et hypnose. On se laisse si immédiatement envoûter par cette sombre berceuse qu’on en oublierait presque de s’attarder sur la qualité sidérante de la production. Un comble au regard du travail accompli de ce côté-là !
"Black Ohms" est tout simplement un chef-d’oeuvre, voilà c’est dit ! après ça il n’y a plus qu’à attendre fébrilement "White Ohms", sa suite, qui nous est promise pour cette année.
Pour finir, cette chose étonnante : le thème de l’exposition universelle de 1970 (qui s’est tenue à Osaka) était "Progrès et Harmonie pour l’Humanité" et après avoir écouter "Black Ohms" on se dit que le projet de Justin Wright n’a jamais aussi bien porté son nom.
Cyril Lacaud
Lysergic Sunrise
Mind Echo Unit
Emerald Fanged Dancer
Solitude
Cosmic Seance
Midnight Stalking / Dawn of the Black Ohms