SOUTH SAN GABRIEL, CENTRO-MATIC – Dual Hawks
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Au milieu des années 70, Rod "The Mod" Stewart (essayez avec des artistes français pour le jour de l’an, délire assuré : Dick, "la tique" Rivers ; Christophe "le philosophe", Johnny "le pourri". Ah non, déjà pris) avait décidé de résoudre le principal inconvénient du vinyle, à savoir la présence de deux faces et donc la nécessité de retourner le disque au beau milieu d’une écoute. Afin de redonner à ses oeuvres la cohérence que leur qualité (à l’époque on pouvait dans une même phrase parler de Rod Stewart et de qualité) exigeait, l’ancien chanteur des Faces avait séparé clairement ses galettes en deux : une partie intitulée "Fast half" et une seconde "Slow half" (au moins ça dit ce que cela veut dire). Idée tellement révolutionnaire, qu’elle ne fut reprise par personne (y compris par Rod Stewart lui-même). Avec l’apparition du CD, il n’était bien sûr plus possible de mettre en oeuvre un tel concept. Eh bien, il faut croire que la disparition prochaine du disque laser donne des idées, car avec ce nouvel opus le groupe de Will Johnson prône lui aussi la division internationale des morceaux de musique.
Pour faire simple, l’album "Dual Hawks" (vous remarquerez la cohérence époustouflante entre le titre et le concept) est un double album, avec un disque que nous qualifierons d’ "énervé" (ou hystérique) et un disque que nous qualifierons d’ "apaisé" (ou neurasthénique, un peu de psychanalyse ne fait jamais de mal). Et pour faire un peu moins simple, notons juste que le disque "rapide" est joué par le groupe Centro-Matic, alors que le disque "lent" est joué par le groupe South San Gabriel. La différence entre Centro-Matic et South San Gabriel ? Eh bien, c’est évident . Quand Will Johnson décide de brancher sa guitare électrique, il se retourne vers ses potes et il leur dit : "Allez, les Centro-Matic, on y va pour un petit boeuf à la Neil Young avec le Crazy Horse". Et quand, il décide de prendre sa guitare acoustique (parce que y a plus de courant, parce que la guitare électrique c’est lourd surtout avec l’ampli, parce que si on joue trop fort on va réveiller grand-mère…), il se retourne vers les mêmes potes et il leur dit : "Allez, les South San Gabriel, on y va pour une petite ballade à la Neil Young sans le Crazy Horse".
Et le plus fort, c’est qu’avec un tel concept foireux (déjà, l’idée du double album en 2008), le(s) groupe(s) susnommé(s) a (ont) sûrement réalisé un des meilleurs albums de l’année. Parce qu’il n’y a aucune (j’ai bien dit aucune !) mauvaise chanson sur les 23 titres proposés ici. Parce qu’on ne connaît pas grand monde capable d’appeler une chanson "Quand les anges éteindront leur lumière", et de toucher au sublime (voire simplement de ne pas sombrer dans le ridicule). Parce que le concept (encore lui), aussi stupide soit-il sur le papier, tient parfaitement la route. Parce que bien sûr, la voix du bonhomme est (comme ses compositions) souffreteuse, énervante et ne cesse de s’apitoyer sur son sort (il y a quand même une chanson qui s’appelle "Compter les cicatrices" : on n’imagine pas à quel point la vie à Denton, Texas, peut être éprouvante, quand on n’a jamais été capitaine de l’équipe de football américain du lycée, ou quand on vote Obama, ce qui est sûrement lié), mais à aucun moment tout ce pathos ne sonne faux, ne sombre dans la pose, ne devient gênant pour l’auditeur. Une grande introspection schizophrénique, donc (un peu de psychanalyse ne fait toujours, jamais de mal).
Emmanuel Beal
A lire sur South San Gabriel :
la chronique de "The Carlton Chronicles" (2005)
la chronique de "Welcome, Convalescence" (2004)
A lire sur Centro-Matic :
la chronique de "Distance + Clime" (2002)
Disque 1 – South San Gabriel
Emma Jane
Kept on the Sly
When the Angels Will Put Out Their Lights
Of Evil/For Evil
My Goodbyes
Senselessly
Corner Cross
Trust to Lose
Arc and the Cusp
Alabama Crusade
Jornada del Muerto
From This I Will Awake
Disque 2 – Centro-Matic
Rat Patrol and DJs
Two Seats Gold Reserved
Quality Strange
Remind Us Alive
Every Single Switch
I, the Kite
Strychnine, Breathless Ways
All Your Farewells
Counting the Scars
Twenty-Four
Critical Display of Snakes